Cours - Droit pénal général - 5e - 204

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
d'une négligence fautive174
.Peu importe,par conséquent,que sa conscience de l'infraction ne soit positivement
pas établie - même indirectement ; sa grave négligence établit le dol. Ainsi que le remarque
une partie de la doctrine, cette tendance malheureuse conduit à donner au dol général une fonction
disciplinaire, qui devrait lui être étranger175
. Elle engendre surtout une confusion de la faute intentionnelle
et des imprudences qualifiées et elle méconnaît le texte d'incrimination. Elle connaît pourtant de
nombreuses applications, notamment en droit pénal des affaires où le mauvais exercice des prérogatives
d'un dirigeant ou d'un élu (voire son omission de les exercer) suffit parfois à le rendre auteur d'une
faute intentionnelle176
n'échappe pas à cetypededifficultés, comme en matièredeharcèlement sexuel179
comme en matière de fraude177 ou d'abus de biens sociaux178
.
.Le droit commun
2. Les fautes intentionnelles différenciées
397 Lesdegrésdel'intention. - Au-delà du dol commun, le droit pénal connaît plusieurs formes particulières
d'intention, qui relèvent de logiques opposées. D'un côté, l'auteur peut être animé par une
intention plus précise que la faute intentionnelle ordinaire : le dol est « spécial » (a). Le degré de culpabilité
exigée est alors plus élevé. D'un autre côté, à l'inverse, l'intention coupable peut être moins
élaborée, car l'auteur n'a intellectuellement accédé qu'à une partie des faits délictueux. Le dol est
« indéterminé » (b) ou « dépassé » (c), de sorte que l'intention coupable est moins évidente.
a. Le dol spécial
398 Les mobiles et le dol. - Comme rappelé précédemment, la volonté est un état de conscience
susceptible de nombreux degrés. S'il exige la conscience de commettre l'infraction au titre de la faute
intentionnelle, le droit pénal commun n'impose pas que l'auteur ait été mû par un motif spécial : les
mobiles sont en principe indifférents, à deux égards. En premier lieu, ils ne sont pas nécessaires à la
consommation de l'infraction. C'est la raison pour laquelle la doctrine distingue le dol général des dols
spéciaux. Alors que le premier répond à la conscience de commettre l'infraction - sans autre distinction
-, le second désigne l'ensemble des motifs épars qui peuvent en inspirer l'auteur180
.Ces motifs
174. En matière d'évasion, alors qu'un détenu bénéficiant d'une permission de sortir n'a pas regagné à temps l'établissement pénitentiaire car il
a manqué son train, et alors que l'intéressé a fait valoir l'absence d'intention coupable, la Cour de cassation admet la condamnation au seul
constat du fait « de ne pas rejoindre cet établissement à l'expiration de sa permission » (Cass. crim., 22juin 1994, nº 93-81462).
175. E. DREYER, Droit pénal général, op. cit., p. 636, nº 877 ; W. JEANDIDIER, L'élément moral des infractions d'affaire ou l'art de la métamorphose,
Mélanges Decocq,Litec,2004,p. 377.
176. Rappr. W. JEANDIDIER, ibidem.
177. En matière de fraude, Cass. crim., 12 avr. 1976, nº 75-91883 : « s'il est vrai que la loi du 1er
août 1905 n'édicte aucune présomption de tromperie
contre le fabricant qui aurait négligé de procéder à toutes vérifications utiles avant de livrer la marchandise à la vente, les juges
du fond peuvent, comme ils l'ontfaiten l'espèce, souverainement déduire la mauvaise foi du prévenu du fait qu'il n'a pas vérifié par des
analyses appropriées la composition des matières premières qu'il utilisait pour la fabrication des fromages de chèvre qu'il mettait en
vente ». Rappr. Paris, 13 juill. 1993, D. 1994, p. 118, note A. PROTHAIS.
178. Cass. crim., 28 nov. 1994, nº 94-80411 : se trouve caractérisé en tous ses éléments le délit d'abus de biens sociaux à l'encontre d'un dirigeant
social dès lors que ce dernier n'apporte aucune justification du caractère social de frais de mission et de réception ainsi que de frais de transport
et déplacement.
179. Cass. crim., 18 nov. 2015, nº 14-8559, Dr. pén. 2016, comm. 21, P. CONTE.
180. La notion de dol spécial est néanmoins définie de diverses façons par la doctrine, qui en retient souvent une conception plus large, détachée
des seuls mobiles. Merle et Vitu (Traité de droit criminel, Droit pénal général, op. cit., p. 750, nº 596) expliquent par exemple que le dol
spécial est une « intention précise requise par des lois particulières comme élément constitutif de certaines infractions à propos desquelles
le législateur incrimine généralement la production d'un résultat déterminé ». L'intention de tuer dans le meurtre serait, selon ces auteurs,
constitutive d'un dol spécial. Ce dernier correspondrait à l'élément qui est le siège de la spécialité d'une incrimination, qui permet de la distinguer
d'une autre (ainsi du meurtre comparé aux violences mortelles). Pourtant, un tel dol « spécial » n'ajoute rien au dol général, qui impose
déjà la conscience du résultat causé, tel que la mort d'autrui (on distinguera plus efficacement le meurtre des violences mortelles en rappelant
que ces dernières, quoique volontaires, ne sont pas intentionnelles).
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