Cours - Droit pénal général - 5e - 208

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
407 La notion unique de faute d'imprudence. - L'imprudence coupable de l'auteur consiste à ne pas
prévoir que son comportement va causer la situation incriminée par la loi pénale, alors qu'un individu
raisonnable aurait fait preuve d'une plus grande vigilance. Elle procède donc d'une imprévoyance ou
d'une inconscience qui est symétriquement opposée au dol : l'auteur d'une infraction intentionnelle est
fautif car il agit en connaissancedecause, alors quel'auteur d'une infraction non intentionnelle est
fautif car il aurait dû avoir conscience de sa situation et, partant, adapter sa conduite en conséquence.
L'automobiliste qui, par exemple, cause involontairement la mort d'un piéton aurait dû avoir conscience
de ce risque et adapter son comportement pour éviter l'accident.
408 Imprudence et résultat. - L'auteur d'une infraction non intentionnelle peut néanmoins avoir conscience
d'une partie des faits, tels que la dangerosité d'un carrefour ou l'absence de visibilité suffisante.
Plus encore, l'auteur d'un tel délit peut agir volontairement ; ainsi du fait de circuler à une vitesse excessive
pour gagner du temps ou de ne pas respecter une signalisation imposant l'arrêt du véhicule. Cela
étant, le critère permettant de distinguer assurément l'intention et l'imprudence réside dans l'absence
de connaissance du résultat engendré. L'automobiliste en question, à la différence du meurtrier, n'apas
conscience qu'il va causer la mort d'autrui.
b. Le régime de l'imprudence simple
409 Appréciation in abstracto. - Alors que la faute non intentionnelle était traditionnellement appréciée
in abstracto,c'est-à-dire par rapport à un modèle de conduite, une loi nº 96-393 du 13 mai 1996 a
modifié l'article 121-3, alinéa 3 du Code pénal pour en imposer une appréciation plus circonstanciée : il
semblait trop sévère de conserver une approche purement objective de cette dernière. La culpabilité
de l'auteur devait être davantage mesurée et proportionnée selon sa situation et ses qualités
concrètes. Aussi le texte précise-t-il depuis lors que l'imprudence suppose qu'il soit « établi que
l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la
nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des
moyens dont il disposait ». Ce faisant le législateur invitait le juge à caractériser davantage la faute de
l'auteur201
intentionnelle doit être appréciée in concreto202
.C'est notamment la raison pour laquelle une partie de la doctrine affirme que la faute non
. Plus récemment, en considération de la crise sanitaire
causée par la COVID, le législateur a ajouté au Code de la santé publique que « l'article 121-3 du Code
pénal est applicable en tenant compte des compétences, du pouvoir et des moyens dont disposait
l'auteur des faits dans la situation de crise ayantjustifié l'état d'urgence sanitaire, ainsi que de la
nature de ses missions ou de ses fonctions, notamment en tant qu'autorité locale ou
employeur»203
dencenepeut être appréciéequ'in abstracto204
. Au contraire, une autre partie de la doctrine explique avec raison que la faute d'impru.
Par nécessité logique, la faute est appréciée in
abstracto :l'individu raisonnable, le « bon père de famille » placé dans la même situation aurait-il
montré davantage d'attention ? La faute résulte de la discordance entre le comportement concret de
l'auteur et l'attitude abstraite d'un individu raisonnable. Certes, un tel modèle peut être circonstancié. Il
n'existe pas qu'une seule référence de conduite et le juge peut prendre en considération les qualités et
201. Le Code général des collectivités territoriales avait été modifié en ce sens pour protéger les élus locaux des foudres de la loi pénale (art.
L. 2123-34, L. 3123-28, L. 4135-28, L. 5211-15).
202. V. not. Y. MAYAUD, Droit pénal général, op. cit.,p. 293,nº 246.
203. L. nº 2020-546 du 11 mai 2020, art. L. 3136-2 CSP. V. P. CONTE, un droit en trompe-l'œil, Dr. pén. 2020, étude 19.
204. V. not. Ph. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal général, op. cit.,p. 207,nº 385 ;E. DREYER, Droit pénal général, op. cit., p. 618, nº 848.
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