Cours - Droit pénal général - 5e - 244

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
a. La réalisation de l'infraction par un organe ou un représentant de la personne
morale
467 Qualités. - Les personnes morales ne répondent pénalement que du fait de leurs102
« représentants »103
auxquelles elles sont juridiquement liées104 (salariés105
,président110
« organes»ou
et non pas, plus largement, de l'ensemble de leurs membres ou des personnes
ou associés d'une société, adhérents d'une association,
habitants d'une commune, etc.). Les « organes », tout d'abord, s'entendent à titre principal des
personnes (organes individuels) ou entités (organes collectifs)106
qui, en vertu de la loi ou du statut107
de
la personne morale, administrent et gèrent celle-ci : en somme, pour l'essentiel, de ses dirigeants108 (par
exemple, pour une société : gérant109
, président-directeur général, directoire, etc. ; pour une
association : assemblée générale, président ; pour une commune : maire, adjoints, membres du conseil
municipal). Ensuite, étant entendu que les organes représentent la personne morale, le terme « représentants»désigne
stricto sensu les personnes qui détiennent uniquement un pouvoir de représentation de
celle-ci auprès des tiers (mandataires, administrateurs et liquidateurs judiciaires, etc.111
). La jurisprudence
conçoit largement ces notions : sont ainsi des organes ou représentants les dirigeants de fait (qui se
comportent de facto comme des dirigeants de droit sans pourtant en avoir juridiquement le pouvoir)112
ainsi que les préposés délégataires113
que la délégation de pouvoirs soit ici115
ou subdélégataires114 de pouvoirs (il n'est pas certain à ce sujet
entendue aussi strictement que pour exonérer le chef d'entreprise
de sa responsabilité pénale116) ou ceux qui, sans être titulaires d'une telle délégation, disposent « d'un
102. Lorsque plusieurs personnes morales sont en jeu, il peut être difficile de déterminer de laquelle d'entre elles relève le représentant
(Cass. crim., 23 nov. 2010, nº 09-85115, Bull. crim.,nº 186 :« en cas d'accident du travail, les manquements en matière d'hygiène et de sécurité
des travailleurs commis par le délégataire de pouvoirs désigné par chacune des sociétés constituant un groupement d'entreprises à l'occasion
de l'attribution d'un marché, engagent la responsabilité pénale de la personne morale, membre du groupement, qui est l'employeur de
la victime, ou, en cas de recours à une main-d'œuvre intérimaire, de la personne morale ayant la qualité d'entreprise utilisatrice au sens
des dispositions du Code du travail relatives au travail temporaire »).
103. Il suffit, en cas de pluralités d'organes et représentants, que l'un ait agi.
104. Cass. crim., 11 oct. 2011, nº 10-87212, Bull. crim.,nº 202.
105. Cass. crim., 29janv. 2008, nº 07-80264. Mais, d'une part, le salarié peut être un dirigeant de fait ou un délégataire de pouvoirs et donc un
organe ou un représentant et, d'autre part, son comportement peut entraîner la responsabilité pénale du dirigeant (suivant le mécanisme de la
responsabilité pénale du chef d'entreprise : v. infra, nº 484) et donc, par ce biais, celle de la personne morale (v. par exemple Cass. crim., 22mars
2016, nº 15-82677, Bull. crim., nº 91).
106. Cass. crim., 21juin 2022, nº 20-86857, Bull. crim., à paraître, société présidente d'une autre société.
107. Cass. crim., 13 oct. 2015, nº 14-84760.
108. Néanmoins, certains organes ont une fonction de surveillance : leur action à eux ne semble alors adéquate à une responsabilité pénale de
la personne morale qu'en qualité de complice.
109. Cass. crim., 15 févr. 2022, nº 20-81450, PB ; 27juin 2018, nº 17-83288.
110. Cass. crim., 15 févr. 2022, nº 21-82165.
111. Adde Cass. crim., 6 avr. 2004, nº 02-88007, Bull. crim., nº 84 : « en formulant sur un agent des appréciations écrites à l'occasion d'une décision
relative à sa carrière, ses supérieurs hiérarchiques, qui participaient ainsi aux pouvoirs de l'employeur, représentaient l'établissement
public et agissaient pour son compte ».
112. Cass. crim., 16 oct. 2013, nº 03-83910, 05-82121 et 12-81532 : « M. B..., principal salarié, qui percevait les rémunérations les plus élevées et
disposait d'une procuration sur les comptes bancaires dont il a fait usage, (...) était le gérant de fait et a agi pour le compte de cette
personne morale ».
113. Cass. crim., 25 févr. 2020, nº 19-81771. Cass. crim., 11 juill. 2017, nº 16-86092 ; 30mai 2000, nº 99-84212, Bull. crim., nº 206. Adde Cass. crim., 1er
déc.
2015, nº 14-84740.
114. Cass. crim., 26juin 2001, nº 00-83466, Bull. crim.,nº 161.
115. La Cour de cassation a pu parler d'une délégation de pouvoirs « de droit ou de fait » (Cass. crim., 17 oct. 2017, nº 16-80821. Adde Cass. crim.,
7janv. 2020, nº 18-87027 ; 27 févr. 2018, nº 17-81457 ; Cass. crim., 23janv. 2018, nº 17-81116). Mais, formellement, il faut, ici comme ailleurs, que le délégataire
soit investi « de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de [sa] mission » (Cass. crim., 15 nov. 2016, nº 1586465.
Adde Cass. crim., 1er
116. V. infra,nº 494.
sept. 2020, nº 19-85332).
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