Cours - Droit pénal général - 5e - 286

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
circonstances, aurait dû savoir que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ce
crime ou ce délit ». Il se peut que cette atténuation légale de l'élément moral de la complicité soit
en outre accompagnée d'une altération de l'élément matériel. Ainsi, l'article 221-13, créé par la loi du
5 août 2013, prévoit qu'« est considéré comme complice d'un crimededisparition forcée (...)
commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs le supérieur qui
savait, ou a délibérément négligé de tenir compte d'informations qui indiquaient clairement que
ses subordonnés commettaient ou allaient commettre un crime de disparition forcée et qui n'a
pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher
ou en réprimer l'exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d'enquête
et de poursuites, alors que ce crime était lié à des activités relevant de sa responsabilité et de
son contrôle effectifs ».
Par ailleurs, dès lors que la complicité est étendue aux infractions d'imprudence, l'élément intentionnel
du complice peut, si l'on en croit les rares arrêts en la matière, consister en une imprudence crasse,
qui n'est pas sans ressembler à la faute « caractérisée » ou à la faute « délibérée » dont il est question
à l'alinéa 4 de l'article 121-3 du Code pénal.
541 Dol spécial. - Sur le fondement notamment d'une décision (qui a retenu la complicité de crime
contre l'humanité commis durant la Seconde Guerre mondiale en précisant qu'il n'est pas nécessaire
que « le complice de crimes contre l'humanité ait adhéré à la politique d'hégémonie idéologique
des auteurs principaux»162
), l'on enseigne parfois que le dol spécial éventuellement requis pour
l'auteur principal n'est pas exigé de la part du complice. En réalité, outre que l'arrêt en question ne
consacre pas cette règle (la personne mise en examen était d'ailleurs informée, en l'espèce, de l'existence
du programme nazi de la « solution finale »), il apparaît au contraire que le complice doit, sinon
partager la motivation, du moins avoir connaissance du dol spécial animant l'auteur (ce qui revient,
pour lui, à l'adopter de facto) puisque cet état d'esprit est une composante de l'infraction. Par
exemple, le directeur du personnel d'une société qui prépare le dossier de licenciement d'un salarié
fautif ne peut être considéré comme complice de discrimination163
s'il ignore que l'employeur souhaite
congédier l'intéressé en raison principalement de son orientation sexuelle ou de sa religion, la faute
alléguée n'étant qu'un prétexte.
L'arrêt Lafarge (ne) confirme (qu')indirectement ces solutions, s'agissant des crimes contre l'humanité
définis à l'article 212-1 du Code pénal. La Cour de cassation y a rappelé que les agissements (atteintes
volontaires à la vie, actes d'asservissement, etc.) en lesquels ils consistent « sont commis en exécution
d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique » ; que leur caractérisation « implique en conséquence, notamment, la
démonstration de l'existence, en la personne de son auteur, du plan concerté défini par le texte
précité, un tel crime ne se réduisant pas aux crimes de droit commun qu'il suppose »; mais que,
pour autant, « l'article 121-7 du Code pénal n'exige ni que le complice de crime contre l'humanité
appartienne à l'organisation, le cas échéant, coupable de ce crime, ni qu'il adhère à la conception
ou à l'exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile dans le cadre
d'une attaque généralisée ou systématique, ni encore qu'il approuve la commission des crimes
162. Cass. crim., 23janv. 1997, nº 96-84822, Bull. crim., nº 32 ; D. 1997,p. 147,note J. PRADEL ; JCPG 1997, II, 22812, note J.-H. ROBERT.
163. Art. 225-1 et 225-2 C. pén.
286

Cours - Droit pénal général - 5e

Table des matières de la publication Cours - Droit pénal général - 5e