Cours - Droit pénal général - 5e - 49

L'élaboration de la loi pénale
pouvait être appréciée en considération de la jurisprudence119
prévisibilité des évolutions jurisprudentielles120
. Par ailleurs, elle contrôle désormais la
. Reste que, ce faisant, les juridictions sont amenées à
juger la précision de leurs propres décisions. Plus encore, la jurisprudence tend à élargir davantage le
critère de prévisibilité en prenant en considération la pluralité des informations qui sont accessibles au
justiciable, au-delà des textes normatifs et des décisions juridictionnelles121
, de sorte que l'exigence de
précision et de prévisibilité, fortement diluée, est moins protectrice.
B. La reconnaissance des qualités formelles de la loi pénale
87 Valeur juridique. - Corollaire de la légalité criminelle, l'exigence de précision et de clarté de la loi
pénale a été largement reconnue. Le Conseil constitutionnel, tout d'abord, a rappelé que le législateur
doit lui-même définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire122
. Il a par exemple invalidé les disposisur
le fondement des articles 8 DDHC et 34 de la Constitution123
tions de la loi nº 2010-121 du 8 février 2010 relative à l'inceste : le législateur méconnaît la légalité criminelle
en s'abstenant « de désigner précisément les personnes qui doivent être regardées (...) comme
membre de la famille »124
. La loi nº 2016-297 du 14 mars 2016 a conséquemment réintroduit l'inceste
.
.
dans un nouvel article 222-31-1 du Code pénal énonçant les personnes susceptibles de le commettre125
Le Conseil constitutionnel a également censuré les dispositions de l'article 222-33 du Code pénal relatives
au harcèlement sexuel, dont les éléments constitutifs n'étaient pas « suffisamment définis »126
Le texte inconstitutionnel se contentait de punir, sous une forme tautologique, « le fait de harceler
autrui dans le but d'obtenir des faveurs sexuelles ». Une loi nº 2012-954 du 6 août 2012 a donc
précisé l'incrimination. Par ailleurs, le défaut de précision de l'article 421-2-5-2 du Code pénal, qui incriminait
la consultation habituelle de site faisant l'apologie du terrorisme a participé de son
inconstitutionnalité127
Cour de cassation, dont le refus est parfois motivé de façon tout à fait sommaire128
.L'efficacité de ce contrôle dépend néanmoins de la transmission des QPC par la
.
Ensuite, sur le fondement de l'article 7 CSDH, la Cour européenne des droits de l'homme affirme
qu'« une infraction doit être clairement définie par la loi pénale, cette condition se trouvant
remplie lorsque le justiciable peut savoir à partir du libellé de la disposition pertinente, et au
besoin de son interprétation par les tribunaux, quels actes et omissions engagent sa
responsabilité »129
. Elle ajoute, plus largement, que la loi pénale doit être prévisible : les conséquences
juridiques d'un acte déterminé doivent pouvoir être raisonnablement prévu par le citoyen qui en est
119. V. not. Cass. crim., 18 déc. 2019, nº 19-81425, à propos de la prohibition des loteries, dont « le contenu est précisé par la jurisprudence ». Rappr.
Cass. crim., 19mai 2021, nº 21-90006 : refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité relative au délit de favoritisme.
120. V. not. Cass. crim., 30juin 2021, nº 20-81570. V. infra nº 122.
121. V., par ex., Cass. crim., 4mars 2020, nº 19-83446. Rappr. Cass. crim. 22 avr. 2020, nº 19-86987, faisant référence aux travaux parlementaires.
122. Cons. const., 19-20juin 1981, JCP 1981, II, 1970, note FRANCK, D. 1982, 441, note A. DEKEUWER. V. encore Cons. const., 10 et 11 oct. 1984, nº 84-181 DC ;
2mars 2004, JCP2004, II, 10048, note ZARKA. Comp. Cons. const., 2mars 2004, nº 2004-492 DC à propos de la notion de « bande organisée ».
123. Cons. const., 19-20juin 1981, JCP 1981, II, 1970, note FRANCK, D. 1982, 441, note A. DEKEUWER. V. encore Cons. const., 10 et 11 oct. 1984, nº 84-181 DC ;
18janv. 1985, nº 84-183 DC, D. 1986, p. 425, note T. RENOUX;2 mars 2004, JCP2004, II, 10048, note ZARKA. Comp. Cons. const., 2 mars 2004, nº 2004-492
DC à propos de la notion de « bande organisée ». V. encore Cons. const., 24janv. 2017, nº 2016-608, QPC, censurant partiellement l'article 434-35 du
Code pénal (qui punit un délit connexe à l'évasion), au motif que le législateur doit fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale, de
façon claire et précise, sans s'en remettre au règlement.
124. Cons. const., 16 sept. 2011, QPC nº 2011-163. V. supra,nº 76.
125. V. not. C. MARGAINE,« Retour sur l'inceste dans le Code pénal et extension de la protection du mineur victime », D. 2016, p. 1089.
126. Cons. const., 4 mai 2012, QPC nº 2012-240.
127. Cons. const. 10 févr. 2017, nº 2016-611 QPC. Rappr. Cons. const., 15 déc. 2017, nº 2017-682 QPC.
128. V., par ex., Cass. crim., 28janv. 2020, nº 19-84400.
129. CEDH, 25mai 1993, Kokinakis c/Grèce, série A, nº 260-A, § 52 ; 15 nov. 1996, Cantoni c/France, Rec. 1996-V, § 29. Rappr. CEDH, 24juill. 2008,
Kononov c/Lettonie, nº 36376/04, § 114, affirmant également que la définition des infractions doit être claire.
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