Cours - Droit pénal général - 5e - 66

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
législateurs nationaux étaient simplement libres, et non pas contraints, d'en faire bénéficier les
justiciables25
.Puis, par l'arrêt Scoppola de 200926
tion dont a pris discrètement acte la Cour de cassation27
, elle l'a érigée en une obligation à leur charge - évolu-
en empruntant le même cheminement intellectuel
que le Conseil constitutionnel. En troisième lieu, l'article 15, § 1, in fine, du Pacte de New York
prévoit que « si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus
légère, le délinquant doit en bénéficier» : il consacre donc la rétroactivité in mitius. Mais la Cour de
cassation a interprété ces dispositions de manière littérale, en déclarant qu'elles ne concernent que les
sanctions, à l'exclusion des infractions ; elle a donc refusé, en contemplation de ce texte, de faire
rétroagir la modification in favorem d'une incrimination28
. Cette interprétation restrictive est pourtant
indéfendable : si les individus doivent bénéficier de l'adoucissement ou de l'abrogation d'une peine
lorsque les faits restent délictueux, afortiori doivent-ils également profiter du fait qu'aucune sanction
n'est plus applicable par suite de la dépénalisation de l'acte. En dernier lieu, l'article 49, § 1, in fine,de la
Charte des droits fondamentaux énonce lui aussi que, « si, postérieurement à cette infraction, la loi
prévoit une peine plus légère, celle-ci doit être appliquée ». La Cour de Justice de l'Union européenne
estimait dèsavant quele« principe de l'application rétroactive de la peine plus légère (...), doit être
considéré comme faisant partie des principes généraux du droit communautaire que le juge
national doit respecter lorsqu'il applique le droit national adopté pour mettre en œuvre le droit
communautaire »29
. Mais la formulation n'entend sans doute pas exclure la rétroactivité in mitius des
lois d'incrimination.
2. La mise en œuvre
111 Comparaisons. - La mise en œuvre de la non-rétroactivité et de la rétroactivité in mitius suppose
de déterminer si la loi est ou non postérieure aux faits (a) et si, nouvelle, elle est ou non plus dure que
l'ancienne (b).
a. La détermination de l'antériorité ou de la postériorité de la loi
112 Date de la loi. - Le jeu des principes de non-rétroactivité et de rétroactivité in mitius nécessite de
connaître à la fois la date d'entrée en vigueur de la loi nouvelle (à laquelle correspond aussi celle de
l'abrogation des dispositions anciennes) et la date de la réalisation des faits. La première obéit aux
règles générales de l'article 1er
, soit implicite (elle résulte
du Code civil : les lois stricto sensu et les règlements entrent en principe
en vigueur à la date qu'ils précisent ou, à défaut, le lendemain de leur publication au Journal officiel.
L'abrogation (ou la modification) de la loi pénale obéit également au droit commun : elle peut être soit
explicite (lorsqu'elle est expressément prévue par un texte ou, pour les lois stricto sensu, décidée par le
Conseil constitutionnel saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité)30
alors de l'entrée en vigueur de dispositions nouvelles - d'une valeur hiérarchique au moins équivalente
- absolument inconciliables avec les dispositions anciennes). Les règlements peuvent également
25. V. par exemple CEDH, 27 sept. 1995, G. c/France,nº 15312/89.
26. CEDH, 17 sept. 2009, Scoppola c/Italie, nº 10249/03 ; Dr. pén. 2010,chron.nº 3,nº 19 et 25, obs. E. DREYER ; JCP 2010, p. 70, nº 8 et 14, obs. F. SUDRE ;
RSC2010, p. 234, obs. J.-P. MARGUÉNAUD.
27. Cass. crim., 13 avr. 2010, nº 09-85135.
28. Cass. crim., 5 déc. 2001, nº 01-81228 ; 6 oct. 2004, nº 03-84827.
29. CJCE, 3mai 2005, Silvio Berlusconi, C-387/02, § 68 et 69.
30. V. Cass. crim., 3 oct. 1994, nº 93-80767, Bull. crim., nº 311 : « lorsque la loi abroge une incrimination et prévoit que cette abrogation ne
prendra effet qu'après publication d'un décret à intervenir dans un délai déterminé, l'abrogation, à défaut de décret, devient effective à
l'expiration dudit délai ».
66
Cours - Droit pénal général - 5e

Table des matières de la publication Cours - Droit pénal général - 5e
