Cours - Droit pénal général - 5e - 75

La portéedela loi pénale
définition des infractions - ce à quoi il faut assimiler les conditions de la responsabilité pénale - et les
peines, autrement dit : la qualification, l'imputation et la sanction des faits.
125 Qualification (lois d'incrimination). - Sont ainsi visés, en premier lieu, « les faits constitutifs d'une
infraction », ce qui correspond aux lois instaurant105, modifiant (dans leurs éléments légal, matériel106
moral) ou supprimant107
et
les incriminations108
en la matière110
.
126 Lois extra-pénales. - La question s'est en outre posée de savoir si la loi extra-pénale (civile,
commerciale, sociale, etc.) à laquelle se réfère expressément ou tacitement un texte d'incrimination111
doit être considérée comme une loi soumise aux dispositions de l'article 112-1 du Code pénal. Une
réponse affirmative s'impose car, en abrogeant ou modifiant les dispositions non pénales, ce type de
loi affecte par répercussion le sens ou l'étendue de l'incrimination : il y a donc lieu, selon qu'elle est
plus dure ou plus douce, à non-rétroactivité112
ou à rétroactivité in mitius113
.
Toutefois, dans certains domaines techniques, la Cour de cassation écarte la rétroactivité in mitius,
essentiellement lorsque sont en jeu une loi stricto sensu (pénale) et un règlement (extra-pénal). Elle
considèreainsi quelorsque le texted'incrimination de nature législative est demeuré inchangé, l'adoucissement
du texte réglementaire qui en délimite les contours est sans effet concernant les infractions
d'ores et déjà réalisées : la règle est que « lorsqu'une disposition législative, support légal
d'une incrimination, demeure en vigueur, l'abrogation de textes réglementaires pris pour son application
n'apas d'effet rétroactif»114
. La même solution est parfois retenue à propos des lois stricto
105. Cass. crim., 21 juin 2006, nº 05-82058. La solution a été étendue à la règle selon laquelle l'extradition ne peut être accordée par la France à
un État étranger qu'à la condition que les faits qui motivent la demande soient punis de peines criminelles ou correctionnelles à la fois par la loi
étrangère (Cass. crim., 14 oct. 2015, nº 15-84420, JCPG 2016, 56, note (critique) D. REBUT ; 26 févr. 2014, nº 13-87888, Bull. crim., nº 60) et par la loi française
(Cass. crim., 14 oct. 2015, nº 15-84426).
106. V. par exemple Cass. crim., 20janv. 2015, nº 14-84470 ; 16 févr. 2011, nº 10-83606, Bull. crim., nº 31 ; 3juin 2009, nº 08-82411, Bull. crim., nº 131 ;
15mai 2007, nº 06-80312, Bull. crim., nº 125 ; 5mai 1997, nº 85-82685, Bull. crim., nº 166 ; 11 déc. 1996, nº 96-2303, Bull. crim., nº 461.
107. Cass. crim., 18juin 1997, nº 96-81264, Bull. crim.,nº 243.L'abrogation peut être tacite (v. par exemple Cass. crim., 21 mai 1992, nº 91-80304,
Bull. crim., nº 203 : « cessent d'être applicables aux poursuites en cours les dispositions des lois ou règlements, même non expressément
abrogées, dans la mesure où elles sont inconciliables avec celles d'une loi nouvelle »).
108. Comp. Cass. crim., 27 nov. 2019, nº 18-85852 et Cass. crim., 4janv. 2012, nº 11-87518, pour la qualification, dépourvue d'effet juridique, d'infraction
sexuelle à « caractère incestueux ».
109. Cass. crim., 14 sept. 2010, nº 10-80718, Bull. crim., nº 133, pour la présomption de fausseté des faits dénoncés dans le délit de dénonciation
calomnieuse. Cass. crim., 21 mai 1997, nº 96-83504, Bull. crim., nº 190. Comp., pour les dispositions de procédure pénale interdisant de contester le
choix judiciaire d'une qualification : Cass. crim., 4janv. 2006, nº 05-84231, Bull. crim., nº 8.
110. Cass. crim., 17 mai 2011, nº 10-87646, RSC2012, p. 156,obs.C. AMBROISE-CASTÉROT ; Rev. pénit. 2011,p. 723,obs.S. DETRAZ.
111. Plusieurs hypothèses se rencontrent : le texte pénal peut se borner à incriminer la violation d'une norme extra-pénale, en sorte que le
comportement illicite est entièrement décrit par cette dernière ; il peut aussi déterminer la structure générale de l'infraction et s'en remettre
aux dispositions non pénales pour les détails ; il peut encore n'utiliser qu'une notion extra-pénale (« condition préalable ») dans la description
des faits illicites.
112. Rappr. Cass. crim., 8 avr. 2014, nº 12-83952. Adde Cons. const., 24juill. 1991, nº 91-298 DC : « l'application rétroactive de la législation fiscale
se heurte à une double limite ; (...) d'une part, conformément au principe de non-rétroactivité des lois répressives posé par l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle ne saurait permettre aux autorités compétentes d'infliger des sanctions à des contribuables
en raison d'agissements antérieurs à la publication des nouvelles dispositions, qui ne tombaient pas également sous le coup de
la loi ancienne ».
113. V. par exemple Cass. crim., 8mars 1988, nº 86-93163 : l'infraction de licenciement sans autorisation administrative ne peut plus être caractérisée
dès lors que l'exigence d'une telle autorisation a été supprimée en droit du travail.
114. Cass. crim., 15 avr. 2008, nº 07-86909. Adde Cass. crim., 5janv. 2021, nº 20-80972, PB ; 7janv. 2020, nº 18-83074, PB ; 16juin 2015, nº 14-83798 ;
29 oct. 2013, nº 12-85395 ; 18janv. 2006, nº 05-84369 : non-rétroactivité d'un arrêté préfectoral modifiant in favorem une limitation de vitesse, à
propos d'une infraction au Code de la route ; nº 03-84925 : non-rétroactivité d'un décret ayant abaissé le seuil de matière sèche requis pour
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. Doivent également être considérées comme telles, et non
; la jurisprudence a néanmoins pu se montrer incertaine
comme des lois de procédure, celles qui sont relatives aux présomptions légales d'existence de
certains éléments constitutifs de l'infraction109
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