CRFPA - Procédure pénale - CRFPA - Examen national Session 2023 - 6e - 53

leçon 3. leS PrIncIPeS DIrecTeurS Du ProcèS Pénal
133. Cette position européenne se trouve toutefois en contradiction avec celle du Conseil
constitutionnel, selon lequel « l'autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du
siège et du parquet ». Dans une décision du 8 décembre 2017, le Haut Conseil reconnaît que
l'indépendance du parquet « n'est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables
aux magistrats du siège » et que cette indépendance doit « être conciliée avec les
prérogatives du gouvernement »6
du parquet assurent le respect des libertés au sens de l'article 66 de la Constitution7
. Mais ceci ne remet pas en cause le fait que les magistrats
. Ainsi,
pour le Haut Conseil, il est conforme aux droits et libertés garantis par la Constitution que
le procureur de la République procède au contrôle de la garde à vue8
. De même, la rétention
d'une personne déférée, dans le cadre de la pratique du « petit dépôt », sous le contrôle du
procureur de la République, est conforme aux exigences constitutionnelles.
134. En réalité, la jurisprudence de la Cour EDH pose, tout comme celle du Conseil constitutionnel,
une obligation de célérité dans la mise en œuvre du contrôle judiciaire de la privation
de liberté. Le respect de cette obligation s'apprécie in concreto, au regard des circonstances
propres à chaque affaire. Ainsi, dans des affaires présentant un caractère exceptionnel, la
Cour de Strasbourg a pu considérer qu'un délai de quatre jours était compatible avec l'article
5 § 39
. Cette position d'ailleurs est moins sévère que celle du Conseil constitutionnel,
pour lequel « il importe que les décisions prises en la matière par les officiers de police
judiciaire soient portées aussi rapidement que possible à la connaissance du procureur
de la République, afin que celui- ci soit à même d'en assurer effectivement le contrôle »10
.
Dans la jurisprudence du Haut Conseil, la limite du moment de l'intervention d'un magistrat
du siège a ainsi été fixée à la soixante- huitième heure, c'est- à-dire dans un délai de vingtheures
au maximum après la fin d'une garde à vue déjà prolongée à quarante- huit heures11
.
135. Le droit français qui place la garde à vue sous le contrôle du procureur de la République
durant les vingt- quatre premières heures, avec la possibilité d'une prolongation de même
durée, n'est donc pas inconciliable avec les garanties d'accès au juge pénal. Mais la prolongation
de la mesure au- delà de vingt- quatre heures suppose l'autorisation d'un juge ou
magistrat habilité. Telle est la solution que prévoit l'article 706-88 du Code de procédure
pénale en matière de criminalité organisée, permettant, à titre exceptionnel, que la garde à
vue fasse l'objet de deux prolongations supplémentaires de vingt- quatre heures sur décision,
non pas du procureur de la République, mais du juge des libertés et de la détention
6. Cons. const., 8 déc. 2017, n° 2017-680 QPC.
7. Cons. const., 11 août 1993 et 29 août 2002. La solution a été plusieurs fois réaffirmée, par ex. Cons. const.,
17 déc. 2010, n° 2010-80 QPC.
8. Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC.
9. CEDH, 29 nov. 1988, Brogan c/ Royaume- Uni.
10. Cons. const., 11 août 1993, n° 93-326 DC, relative à la loi sur la garde à vue.
11. Cons. const., 17 déc. 2010, n° 2010-80 QPC : « la privation de liberté instituée par l'article 803-3 du Code de procédure
pénale, à l'issue d'une mesure de garde à vue prolongée par le procureur de la République, méconnaîtrait la
protection constitutionnelle de la liberté individuelle si la personne retenue n'était pas effectivement présentée
à un magistrat du siège avant l'expiration du délai de vingt heures, prévu par cet article ». V. égal. Cons. const.,
6 mai 2011, n° 2011-125 QPC, où le Conseil constitutionnel formule une autre réserve : l'article 803-3 CPP n'autorise
pas le procureur à « interroger l'intéressé [et] ne saurait, sans méconnaître les droits de la défense, l'autoriser à
consigner les déclarations de celui- ci sur les faits qui font l'objet de la poursuite dans le procès- verbal mentionnant
les formalités de la comparution ».
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