Précis Domat - Histoire constitutionnelle de la France de 1789 à nos jours - 17e - 364

HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE DE LA FRANCE DE 1789 À NOS JOURS
l'autorité en démocratie : « La France est un corps sans tête... Pour sauver la liberté
et la paix, rétablissons l'autorité ».
À cet effet, Tardieu envisage un bloc de cinq réformes : autoriser le droit de
dissolution à la seule demande du Premier ministre - dénomination qu'il suggère
de substituer à celle de président du Conseil - ; permettre au peuple de donner son
avis sur le principe d'une loi avant sa mise en discussion - référendum dit de
consultation - ; accorder le droit de vote aux femmes ; supprimer l'initiative financière
des députés ; doter les fonctionnaires d'un statut. Sans doute ces objectifs,
évoqués par Tardieu dès janvier 1933 dans une conférence tenue à la Société de
géographie de Paris, expriment-ils une critique institutionnelle désormais éculée.
De même, ce programme n'est-il pas exempt de tout calcul politique et fait, à
plus d'un titre, figure de plan de combat contre la République des gauches. Briser
l'omnipotence du Parlement, dépolitiser la fonction publique, il n'est pas jusqu'au
vote des femmes, leitmotiv de la littérature révisionniste, qui ne soit d'inspiration
conservatrice à une époque où la gauche redoute encore que celles-ci soient victimes
de « la propagande de la chaire et du confessionnal ». Quant au peuple, le référendum
de consultation le gratifie d'un hommage pour l'essentiel verbal. Par-delà
le projet de fond dont l'œuvre était porteuse, L'heure de la décision présentait donc
une utilité tactique immédiate. D'autant que Tardieu, désavoué par le suffrage universel
en mai 1932, retrouvait rang, en février 1934, dans l'équipe gouvernementale
de Doumergue comme ministre chargé d'étudier la réforme de la constitution.
Rappelé à la Présidence du Conseil sous la pression des événements de février,
l'ancien Président de la République Doumergue bénéficiait d'une conjoncture particulièrement
propice au changement. La réforme de l'État n'était-elle pas la seule
chance de salut de la démocratie face à l'offensive des dictatures en Europe ? Deux
commissions parlementaires furent créées dans cette perspective. La commission
sénatoriale ne se réunit que tardivement, à l'automne. Mais celle de la Chambre
des députés, instituée le 21 mars 1934, prit rapidement les problèmes à bras-lecorps.
La commission Marchandeau, du nom du député radical qui la présida,
conclut ainsi à la suppression de l'avis conforme du Sénat en matière de dissolution.
Elle fit également des propositions en vue de rationaliser le travail parlementaire,
d'organiser la présidence du Conseil, d'aménager le droit de vote, de représenter
les forces économiques.
Doumergue ne sut pas profiter de l'opportunité. Il ne dévoila ses intentions qu'à
l'automne par trois discours radiodiffusés des 24 septembre, 4 octobre et 3 novembre.
Le communiqué publié par Le Temps du 4 novembre 1934 fait état de ce que
l'on devait appeler la constitution Doumergue :« 1o
- Insérer au début de l'article
6 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 l'alinéa suivant : « le nombre de
ministres ne peut excéder vingt, non compris le président du Conseil qui a la qualité
de Premier ministre sans portefeuille » ; 2o
- remplacer le premier alinéa de
l'article 5 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 par les dispositions suivantes
: « le Président de la République peut dissoudre la Chambre des députés avant
l'expiration légale de son mandat. Au cours de la première année de son mandat, la
dissolution ne peut être prononcée que sur l'avis conforme du Sénat » ; 3o
- compléter
l'article 4 de la loi constitutionnelle du 25 février 1875 par les dispositions
suivantes : « l'État assure aux fonctionnaires la stabilité de leur emploi et des
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