Précis Domat - Institutions juridictionnelles - 19e - 410

INSTITUTIONS JURIDICTIONNELLES
la seule discrétion des parties et où le juge serait doté de pouvoirs plus étendus afin
de mieux surveiller l'instruction du procès.
a) Le déclin commença avec le décret-loi du 30 octobre 1935 qui institua devant
les tribunaux civils (à l'époque) le «juge chargé de suivre la procédure » dont le
rôle était d'exercer une sorte de tutelle sur l'instruction des affaires. Trente ans plus
tard, le décret du 13 octobre 1965 fit disparaître le juge chargé de suivre la procédure
pour le remplacer par un juge doté de pouvoirs plus étendus que l'on appelle
aujourd'hui, le «juge de la mise en état », parce que sa fonction essentielle est de
faire en sorte que l'affaire soit rapidement mise en état d'être jugée. Désormais la
conduite de la procédure n'est plus abandonnée comme autrefois à la discrétion
des parties : le juge moderne peut impartir des délais pour conclure, délivrer des
injonctions aux parties d'avoir à communiquer ou à produire certaines pièces. En
un mot, le « calendrier » de l'affaire appartient, non plus aux parties, mais au juge
lui-même.
b) Toutefois, il ne faudrait pas en déduire (comme on l'entend dire parfois) que la
procédure civile est devenue inquisitoriale. La vérité est plus nuancée. Aujourd'hui
comme hier, ce sont les parties elles-mêmes qui déclenchent le procès (CPC, art. 1er
),
sous réserve des prérogatives reconnues au ministère public, partie principale. Ce
sont elles qui délimitent discrétionnairement l'étendue de leur litige (CPC, art. 4
et 5) : le juge ne peut jamais accorder plus qu'il n'a été demandé, ni s'immiscer
dans des questions que les parties ne lui auraient pas soumises, ni même fonder sa
décision sur des faits qu'elles n'auraient pas versés aux débats (CPC, art. 7). Enfin,
les parties ont l'entière liberté de mettre fin à l'instance par une conciliation, une
transaction, un désistement ou un acquiescement, sans que le juge puisse s'yopposer.
À tous ces points de vue, la procédure civile est restée accusatoire.
Et il est bon qu'il en soit ainsi. Il ne faut jamais oublier que, dans la procédure
civile, la matière du litige porte sur des intérêts privés dont les parties ont la maîtrise.
Cette même maîtrise doit se retrouver au niveau du débat judiciaire. Autant il
est normal d'investir le juge de pouvoirs importants pour vaincre l'obstination d'un
plaideur qui multiplierait les moyens de chicane, autant il importe de veiller à ce
que le juge civil ne devienne pas le pourvoyeur d'une vérité abstraite contre le gré
des parties, comme si le procès civil était une institution d'État.
541 II. Contentieux répressif : procédure inquisitoriale. - Dans les sociétés antiques
(dans la Grèce classique notamment), la procédure pénale présentait tous les
traits d'une procédure accusatoire qui se déroulait à la manière d'un procès entre la
victime et l'auteur de l'infraction. Il appartenait à la victime de rassembler ses preuves
pour établir la culpabilité de la personne poursuivie ; et, après avoir entendu
cette dernière, le juge tranchait. Cette manière de procéder correspondait alors à
une conception vindicative de la justice pénale : la victime demandait au juge de
lui accorder le droit de se venger et d'arbitrer l'étendue de cette vengeance. Le
procès pénal n'était pas autre chose qu'un substitut civilisé de la loi du talion.
a) La situation changea au XIII
e siècle avec l'apparition des tribunaux de l'Inquisition
institués pour lutter contre les hérétiques. Il n'était plus question pour le juge
d'arbitrer une vengeance. Le dessein était plus ambitieux : il s'agissait d'extirper
l'hérésie au nom d'une vérité supérieure, afin de maintenir les droits de l'Église
410

Précis Domat - Institutions juridictionnelles - 19e

Table des matières de la publication Précis Domat - Institutions juridictionnelles - 19e