Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e - 196

HISTOIRE DES INSTITUTIONS AVANT 1789
En août 1422, Henri V, à qui Catherine vient de donner un fils, le futur
Henri VI, meurt prématurément, bientôt suivi (octobre) par Charles VI. À Paris, le
fils d'Henri V est aussitôt proclamé roi de France, tandis qu'à Bourges le dauphin
Charles prend lui-même le titre royal sous le nom de Charles VII. Commence alors
une lutte incertaine entre les Anglais qui, alliés aux Bourguignons, tiennent la
France du nord et de l'ouest, et le roi Valois qui conserve la maîtrise du centre et
du sud (à l'exception de la Guyenne). En 1429, l'intervention de Jeanne d'Arc est
décisive : la délivrance d'Orléans, assiégée depuis huit mois, est suivie de la victoire
de Patay, puis du sacre de Charles VII à Reims. La condamnation et le supplice
de Jeanne, en 1431, n'empêcheront pas Charles VII de conserver l'avantage,
d'éteindre la guerre civile en s'alliant avec la Bourgogne (traité d'Arras de 1435) et
d'entreprendre une lente reconquête : prise de Paris en 1436, reconquête de la Normandie
(1449-1450) et conquête de la Guyenne (1453) que tenaient les monarques
anglais depuis trois siècles.
Assez paradoxalement, les revers et les épreuves, même s'ils ont rudement malmené
la monarchie, n'ont pas arrêté net le mouvement de renforcement de la prérogative
royale. D'une part, la reconstruction territoriale se poursuit avec de nouvelles
acquisitions : celle du Dauphiné qui devient en 1349 le bien personnel de
l'héritier du trône, désormais appelé dauphin, celle de la Bourgogne tombée en
déshérence à la mort sans héritier du dernier duc capétien de Bourgogne (1361). Il
est vrai que la concession, par Jean le Bon, de ce grand fief en apanage au profit de
son fils Philippe le Hardi (1363) est cause du redoutable danger que, de Jean Sans
Peur à Charles le Téméraire, les ducs Valois de Bourgogne feront peser sur la
royauté. Après les victoires décisives de Charles VII et l'annexion de la Guyenne,
d'autres annexions ont lieu sous Louis XI : la mort sans héritier masculin de Charles
le Téméraire (1477) permet le rattachement à la couronne de l'apanage de Bourgogne
(la Flandre, qui n'a pas le statut d'apanage, reste aux mains de Marie
de Bourgogne, fille du Téméraire, et ne tardera pas à sortir du giron français), tandis
que celles de René d'Anjou et de son neveu Charles du Maine assureront le
retour des apanages du Maine et d'Anjou ainsi que l'annexion de la Provence
(1480-1482). Au temps de Charles VIII, le mariage du roi avec Anne, l'héritière
du duché de Bretagne, ne fait certes que « préparer » l'annexion du duché : il faudra
deux autres mariages, celui de Louis XII avec Anne devenue veuve de Charles VIII,
et celui de leur fille Claude avec François Ier
, pour que l'annexion devienne définitive.
Il reste qu'à la fin du XV siècle, la France directement régie par le roi tend
e
désormais à s'identifier avec le royaume, un royaume dont, malgré la perte définitive
de la Flandre, la superficie déborde très largement, grâce à l'acquisition de
territoires d'Empire, celle de la France issue du partage de Verdun de 843.
D'autre part, c'est l'institution royale elle-même qui trouve jusque dans les
moments les plus critiques matière à s'affermir. Autour du roi, les deux sphères
nouvelles du savoir pratique, la science des « politistes » issue de l'exploration
des œuvres d'Aristote, celle des « légistes » issue de la connaissance de l'utrumque
jus (droit romain et droit canonique), se complètent pour enrichir prodigieusement
la réflexion sur le gouvernement des hommes. Non sans des débats parfois tumultueux
: dès la seconde moitié du XIII
e siècle, Gilles de Rome ne craint pas de qualifier
les légistes d'« idiots politiques » que leur vision exclusive de la loi positive
196
Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e

Table des matières de la publication Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e
