Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e - 357

LES MOYENS DE L'ÉTAT
350 Le conflit. - L'édit de 164112
défend aux cours souveraines de prendre connaissance
des affaires concernant « l'État, administration et gouvernement », sauf si le
roi juge à propos de l'y inviter. La clause de conscience des magistrats lors des
enregistrements forcés - « nous ne devons ni ne pouvons » - est également interdite.
Le cantonnement des parlements jusqu'alors justifié par leur incompétence
dans les affaires d'État - raison liée à la finalité du gouvernement - l'est désormais
par la supériorité organique du roi. Énoncée dès la fin du XVI
e siècle, cette légitimité
nouvelle fondée sur une interprétation régaliste du droit divin interdit toute altérité
dans la formulation du « bien de l'État ». Les actes propres à le servir ne sont plus
pensés selon une objectivité substantielle à laquelle la science des juges peut contribuer
même si la décision leur échappe. La décision royale, subjective ici-bas, est
objectivée par le lien singulier qui unit le roi à Dieu. L'exil, à plusieurs reprises, des
magistrats indociles atteste la prégnance du choc entre organes antagonistes. La
doctrine de cet édit réduit quasi à néant le contrôle sur les lettres politiques et libère
la volonté du souverain de toute limite juridique positive (sauf à rendre compte à
Dieu). Le modèle constitutionnel médiéval s'éclipse au profit d'un autre, dans
lequel les lois divines et naturelles, la raison et l'équité sont comme chassées du
droit positif. La loi n'est plus valable en raison de sa justice et de la satisfaction
du bien commun, mais de la volonté nue du roi de droit divin. Pourtant, la monarchie
s'appuie en période de crise ou de faiblesse sur le parlement en matière politique
pour bénéficier de son autorité : c'est avouer implicitement que la souveraineté
ne se suffit pas toujours à elle-même.
351 La Fronde parlementaire et la réaction louis-quatorzienne. - L'argument
des parlementaires qui prétendent ne rien vouloir et se limiter à des remontrances
lorsque la volonté royale s'égare ne tient plus pendant la Fronde. Le 13 mai 1648,
le parlement et les autres cours souveraines parisiennes (Grand conseil, chambre
des comptes, cour des aides) se fédèrent, dans l'arrêt d'Union, « pour la défense
du public et la réforme de l'État ». Même si les revendications sont ambitieuses,
les cours ne franchissent pas le Rubicon ; elles ne se substituent pas au législateur.
En juin, elles requièrent de leur propre initiative : des prérogatives fiscales, la suppression
des intendants et une sorte de Habeas corpus.S'ensuit un début de guerre
civile, puis, à l'automne, de nouvelles concessions du chancelier Séguier qui
n'apaisent pas les troubles. Le parlement se métamorphose en véritable contre-pouvoir
politique le 8janvier 1649 en déclarant Mazarin « perturbateur du repos public,
ennemi du roi et de son État ». En cessant d'être un juge gardien des lois, il détruit
le modèle constitutionnel qu'il prétend protéger. Il justifiera ensuite son attitude par
le droit de résistance à l'oppression. Les déclarations du 21 octobre 1652 mettent
un point final à l'affaire et effacent toutes les concessions consenties par la monarchie
pendant les années de trouble. Louis XIV réduit l'étendue du contrôle des parlements
sur les affaires d'État (notamment dans l'ordonnance civile de 1667) jusqu'aux
lettres de 1673 qui prohibent les remontrances préalables à l'enregistrement
des « ordonnances, édits, déclarations et lettres patentes concernant les affaires
publiques, soit de justice ou de finance, émanées de notre seule autorité et propre
mouvement, sans parties », lesquels sont immédiatement exécutoires. Louis XIV
■ 12. Texte édité par J.-M. CARBASSE et G. LEYTE, op. cit., p. 166-172, no
78.
Deuxième partie : L'Ancien régime
357

Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e

Table des matières de la publication Précis Domat - Histoire des institutions avant 1789 - 7e