Manuel - Droit pénal général - 9e - 166

DROIT PÉNAL GÉNÉRAL
A. Principes de base
L'opération de qualification se déroule ainsi : le magistrat identifie rigoureusement
les faits poursuivis et les compare avec leur description légale
(ou appellation légale) : par exemple, le juge recherche si le fait d'être irrégulièrement
en possession d'un bien appartenant à autrui constitue un vol, un
abus de confiance ou une escroquerie, compte tenu de la définition légale de
ces différents comportements. Deux problèmes sont à résoudre pour mener à
bien l'opération de qualification :
278. 1o D'abord, déterminer les normes de référence. Le juge doit se
demander, dans l'hypothèse où il serait amené à se reporter à une norme
civile ou commerciale, s'il applique cette norme en fonction de ses propres
critères ou bien s'il doit se référer au sens que lui donne le juge civil
ou le juge commercial. C'est la question, déjà étudiée, de l'autonomie du
droit pénal2
. À ce propos, nous rappellerons simplement que si le juge
répressif prend ses distances par rapport à l'interprétation adoptée dans
d'autres branches du droit, il ne faut pas se méprendre sur la portée de
cette démarche : il s'agit plus, chez le juge pénal, d'une volonté d'accroître
l'efficacité de la répression que de celle de forger des normes proprement
pénales. Disons que la jurisprudence criminelle a peut-être pour résultat
une certaine autonomie du droit pénal, mais qu'elle n'a pas pour but de
créer des normes pénales.
2o
Ensuite, distinguer entre la condition préalable et les éléments constitutifs
de l'infraction. En effet, puisqu'il s'agit de mettre une étiquette légale sur des
faits, le juge examinera de près la structure de l'infraction : il repérera les éléments
constitutifs généraux - élément matériel, élément moral - puis les éléments
constitutifs spéciaux - ainsi pour le vol, la volonté de s'approprier la
chose d'autrui. C'est au moment de cette recherche qu'il doit aussi se poser la
question de savoir si l'infraction ne comporte pas une condition préalable
qu'il devra isoler. Ainsi, selon l'article 314-1 du Code pénal : « L'abus de
confiance est le fait pour une personne de détourner, au préjudice d'autrui,
des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a
acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage
déterminé. » L'élément matériel est le détournement. La condition préalable
est la remise de la chose, et cette remise ne doit donc pas être comptée
au rang des éléments constitutifs de l'infraction. Autre exemple : le fait d'exposer
autrui à un risque immédiat de mort ou d'infirmité permanente par la
violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité
imposée par la loi ou le règlement (C. pén., art. 223-1) ; dans ce cas, la condition
préalable est l'existence de cette obligation de sécurité inscrite dans la loi
ou dans le règlement et à laquelle est astreint l'auteur de l'infraction. En fait,
il est possible d'avoir, de la condition préalable, une conception plus ou
moins large : soit on assimile la condition préalable au domaine dans lequel
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2. V. supra,no
117.

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