Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 104

DROIT ET DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS
116 › Une interdiction d'immixtion politique pour la magistrature. - S'il est
néanmoins abusif d'affirmer que les magistrats, pris individuellement, sont
défavorisés par le droit positif en matière d'implication et de relations politique
(s), il en va autrement pour la magistrature, durement suspectée de pouvoir ou
vouloir s'ingérer dans la sphère politique au sens large. En effet, l'article 10 de
l'ordonnance organique de 1958 dispose : « - Toute délibération politique est
interdite au corps judiciaire. - Toute manifestation d'hostilité au principe ou à
la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats [...] ».
Il s'agit certes ici d'une reprise in extenso de la loi du 30 août 1883, adoptée sous
la IIIe
République au lendemain de la victoire définitive des républicains sur les
monarchistes et subsidiairement bonapartistes. Mais le texte actuel va plus loin
en ajoutant : « [...], de même que toute démonstration de nature politique incompatible
avec la réserve que leur imposent leurs fonctions. - Est également interdite
toute action concertée de nature à arrêter ou entraver le fonctionnement
des juridictions ». Considéré dans son ensemble, cet article 10 n'a pas d'équivalent
pour d'autres catégories de fonctionnaires civils, même s'il est heureux qu'il
ne soit pas appliqué à la lettre par les autorités disciplinaires.
À côté de ces dispositions, il convient de mentionner les articles 10 et 13 de la loi des
16 et 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire. Le premier prévoit : « les tribunaux
ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part. à l'exercice du pouvoir
législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du Corps législatif,
sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture ». Et le second : « les fonctions judiciaires
sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives.
Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce
soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs
pour raison de leurs fonctions ». Ces dispositions, ici encore applicables aux seules
juridictions judiciaires, ne sont pas accessibles sur le site Légifrance dans un simple
souci de folklore, mais parce qu'elles sont toujours en vigueur en 2021. Le fait que la
peine de forfaiture ait été supprimée avec le « nouveau Code pénal » en 1994 ne les
rend pas sans objet, même si peut se poser concrètement la question des conséquences
disciplinaires qu'entraînerait la dénonciation de leur violation par un magistrat.
B-
L'EXIGENCE CONTEMPORAINE DE SERVICE PUBLIC
117 › Les magistrats, acteurs du service public de la justice. - Sans remonter
jusqu'aux théories de la fin du Moyen Âge qui présentaient la justice comme une
« authentique dette », il est très raisonnablement possible d'adhérer à la
remarque suivante d'Hélène Pauliat : « si l'on a pu comprendre, à une époque,
que la justice ne soit pas reconnue comme un service public, il est plus surprenant
d'entendre encore ce discours à l'heure actuelle parmi d'éminents
juristes »64. Ceci dit, cette question prend une dimension particulière à propos
des magistrats relevant de l'autorité judiciaire, puisque leur participation
64. H. Pauliat, « L'administration de la justice dans les institutions françaises », S. Gaboriau, H. Pauliat (dir.), L'éthique
des gens de justice, Pulim, « Entretiens d'Aguesseau », 2001, p. 81.
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