Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 113

LE STATUT DES MAGISTRATS
générales (art. 30)91 ;obligation d'exercer l'action publique et de requérir l'application
de la loi de manière impartiale (art. 31)92 ; ou encore, nécessité de veiller à ce
que les investigations soient exercées à charge et à décharge (art. 39-3)93.Le
Conseil constitutionnel en a tiré les conséquences dans une décision de 2016, estimant
qu'il « découle de l'indépendance de l'autorité judiciaire, à laquelle appartiennent
les magistrats du parquet, un principe selon lequel le ministère public exerce
librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, son action devant
les juridictions »94. Dans le même ordre d'idée, François Molins a préconisé plus
récemment une nouvelle rédaction de l'article L. 432-1 du Code de l'organisation
judiciaire, inspirée de l'article L. 7 du Code de justice administrative et prévoyant :
« les membres du parquet général [de la Cour de cassation] sont chargés des fonctions
de rapporteur public. Le rapporteur public expose publiquement, et en toute
indépendance, son avis sur les questions que présentent à juger les pourvois et les
requêtes dont est saisie la Cour [...]. Il rend des avis dans l'intérêt de la loi et du bien
commun. Il éclaire la Cour sur la portée de la décision à intervenir »95.Il s'agirait ici
de graver dans le marbre une indépendance qui existe déjà en pratique, d'après le
site internet de la haute juridiction judiciaire.
128 › Les progrès à l'issue aléatoire sur le plan de l'indépendance statutaire.
- Si l'idée de la création d'un procureur général de la nation, suggérée
par Jean-Claude Marin, a été écartée par son successeur96, celle d'un alignement
des garanties des magistrats du parquet sur la protection offerte à ceux
du siège en matière de nomination et disciplinaire jouit d'un soutien non négligeable
et s'inscrivant dans la durée. À l'appui, il est souvent mis en exergue que
l'autorité de nomination et disciplinaire suit très largement dans les faits les avis
simples rendus par les formations compétentes du Conseil supérieur de la
magistrature. Il s'agirait donc de consacrer l'existant, tout en dépassant la jurisprudence
du Conseil d'État qui regarde comme illégale la pratique du garde des
Sceaux consistant à se ranger systématiquement aux avis rendus par le Conseil
supérieur de la magistrature97. Mais l'examen des trois projets de lois constitutionnelles
déposés en ce sens en 1998, 2013 et 201898 sur le bureau de l'Assemblée
nationale a systématiquement échoué, malgré l'adoption en termes identiques
des deux premiers textes par les chambres parlementaires. Sans doute
faut-il voir dans ces occasions manquées la crainte politique d'évoluer à terme
vers un système à l'italienne, caractérisé par un parquet totalement
indépendant99.
91. Loi nº 2013-669 du 25 juill. 2013.
92. Ibid.
93. Loi nº 2016-731 du 3 juin 2016.
94. Cons. const., nº 2016-555 QPC du 22 juill. 2016.
95. F. Molins, Discours prononcé à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation du 11 janv.
2021, www.courdecassation.fr.
96. J.-C. Marin, « L'autorité judiciaire... », op. cit. ; F. Molins, audition par la Commission d'enquête sur les obstacles à
l'indépendance du pouvoir judiciaire, Compte rendu nº 4, AN, 5 févr. 2020, p. 8.
97. CE, 12 janv. 2004, nº 248702, Jacques X.
98. F. Molins, Discours..., préc.
99. V. not. l'article 109 de la Constitution de 1947 qui prévoit : « L'autorité judiciaire dispose directement de la police
judiciaire ».
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