Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 160

DROIT ET DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS
Pour le professeur Jean-François Renucci, l'impartialité subjective ou personnelle
du juge « signifie l'absence de parti pris ou de préjugé et s'entend de tout ce qui
peut affecter sa neutralité personnelle »4.Il s'agit en particulier de déterminer si
unequelconque affiliation decemagistrat - à une Église, un parti politique, un syndicat,
une société secrète, une association, etc. - a pu avoir une éventuelle influence
sur l'exercice impartial de ses fonctions et en définitive sur sa décision.
Dans le cadre de la démarche subjective, la CEDH a considéré, dès 1989 et l'affaire
Hauschildt c/Danemark, que l'impartialité personnelle d'un magistrat se présume
jusqu'à preuve du contraire5.
Pour ce qui est de l'appréciation objective, elle consiste aux termes de la décision
Wettstein et autres c/Suisse du 7 août 19966, à se demander si, indépendamment
des convictions ou affiliations personnelles d'un juge, certains faits vérifiables autorisent
à suspecter l'impartialité de la juridiction. Il en résulte que, pour se prononcer
sur l'existence, dans une affaire donnée, d'une raison légitime de redouter d'un juge
ou d'une juridiction collégiale une absence d'impartialité, l'optique delapersonne
concernéeentre en lignedecomptemais nejouepas un rôle décisif. L'élément
déterminant consiste à savoir si l'on peut considérer les appréhensions de l'intéressé
comme objectivement justifiées.
Parfois l'impartialité subjective et l'impartialité objective se trouvent toutes deux
mises en cause. Ainsi en était-il dans l'affaire Micallef c/Malte, où la requérante,
constatant que l'un de ses trois juges était l'oncledel'avocat de son adversaire,
contestait l'impartialité de ce juge et de la juridiction. La CEDH a estimé que ce
seul fait ne suffisait pas pour écarter la présomption d'impartialité personnelle de
ce juge, mais qu'en revanche, le défaut d'impartialité objective de la juridiction devait
être retenu7. Cependant, dans l'affaire Kyprianou c/Chypre8, concernant un cas de
« contempt of court », la CEDH a retenu à la fois le défaut d'impartialité subjective et
objective. Le premier parce que l'arrêt de condamnation relevait que les juges se
disaient personnellement « profondément insultés » et que les termes vigoureux
du jugement traduisaient un sentiment d'indignation et de choc. Le second parce
que le requérant avait été poursuivi, jugé et condamné par la juridiction victime de
l'offense.
Enfin, dans une décision récente, la Grande Chambre de la Cour européenne des
droits de l'homme, dans une affaire Denisov c/Ukraine, a résumé l'ensemble de sa
jurisprudence, en termes parfaitement clairs : « L'impartialité doit s'apprécier
1) selon une démarche subjective, en tenant compte de la conviction personnelle et
du comportement de tel juge, c'est-à-dire du point de savoir si celui-ci a fait preuve
de parti pris ou préjugé personnel dans tel cas, et aussi 2) selon une démarche
objective consistant à déterminer si, abstraction faite du comportement de ses
membres, le tribunal offrait, notamment à travers sa composition, des garanties suffisantes
pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité », et plus loin, « la
4. J.-F. Renucci, Traité de droit européen des droits de l'homme, LGDJ, Paris, 2007, p. 408.
5. Hauschildt c/Danemark, 24 mai 1989, série A, nº 154, § 47.
6. Wettstein, Ferrantelli et Santangelo c/Suisse, 7 août 1996, Recueil 1996-III.
7. Micallef c/Malte, 15 oct. 2009, nº 17056/06, § 100 à 104.
8. Kyprianou c/Chypre, 15 déc. 2005, nº 73797/01, § 119.
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