Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 198

DROIT ET DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS
autres citoyens »84. Le Conseil supérieur de la magistrature précise toutefois
que « cette liberté doit être conciliée avec le devoir de réserve qui constitue
une obligation statutaire »85.L'article 10 de l'ordonnance statutaire du
22 décembre 1958 dispose à cet égard que « toute délibération politique est
interdite au corps judiciaire. - Toute manifestation d'hostilité au principe ou à
la forme du gouvernement de la République est interdite aux magistrats, de
même que toute démonstration de nature politique incompatible avec la réserve
que leur imposent leurs fonctions. [...] ».
À propos des magistrats du parquet, le Conseil supérieur de la magistrature considère
de manière constante que : « l'obligation de réserve ne saurait servir à réduire
le magistrat au silence ou au conformisme, mais doit se concilier avec le droit particulier
à l'indépendance qui distingue fondamentalement le magistrat du
fonctionnaire »86. Ainsi que le rappelle le CSM dans son rapport d'activité 2018, le
magistrat doit faire preuve de la plus haute vigilance lorsqu'il est sollicité par les
médias, en particulier en s'abstenant de communiquer individuellement avec la
presse sur les affaires dont il a la charge87.
237 › Arrêt Buscemi c/Italie. - Cette position est également celle de la Cour
européenne des Droits de l'Homme, telle qu'exprimée dans l'arrêt Buscemi c/
Italie, du 16 septembre 1999, relatif aux relations entre la presse et les juges. À
cette occasion, la Cour de Strasbourg « souligne avant tout que la plus grande
discrétion s'impose aux autorités judiciaires lorsqu'elles sont appelées à juger,
afin de garantir leur image de juges impartiaux. Cette discrétion doit les amener
à ne pas utiliser la presse, même pour répondre à des provocations. Ainsi le
veulent les impératifs supérieurs de la justice et la grandeur de la fonction
judiciaire »88. Les enjeux des relations entre la magistrature et la presse dépassent
donc de très loin le seul enjeu du secret professionnel.
C'est pourquoi, si le magistrat est amené à s'exprimer sur une affaire terminée
ayant donné lieu à une audience publique dans laquelle il est intervenu89,il s'attachera
à en faire une relation objective, évitant l'évocation de tout sentiment ou
impression personnels90.
84. CSM, Rapport d'activité 2012, p. 121.
85. Dans le même sens : CSM, Rapport d'activité 2018, op. cit., p. 156.
86. Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet, avis du 9 oct.
1978, P013, à propos du discours prononcé par le procureur de la République au cours d'une audience solennelle,
soulevant la question de l'efficacité de la répression de la toxicomanie. V. également « Réponse du Ministère
de la Justice », JO Sénat du 9 avr. 2009, p. 907.
87. CSM, Rapport d'activité 2018, op. cit., p. 148.
88. CEDH, 16 sept. 1999, req. nº 29569/95, Buscemi c./ Italie, Rec. 1999-VI, HUDOC nº 001-62943, § 67.
89. Fait rarissime en pratique. Le seul exemple récent qui soit notablement connu est la tribune « Lettre à Madame
Jacqueline Sauvage », parue dans l'édition du journal Le Monde,du1er
oct. 2018, écrite par F. Chevallier, avocat
général lors du procès de Jacqueline Sauvage. Pour mémoire, cette dernière avait abattu de trois coups de fusil
dans le dos son mari Norbert Marot. Elle sera condamnée à une peine de dix ans de réclusion par la Cour d'assises
du Loiret, peine confirmée en appel par la Cour d'assises d'appel du Loir-et-Cher. Le 31 janv. 2016, François
Hollande lui accordait une grâce présidentielle partielle puis une grâce présidentielle totale le 28 déc. 2016. La
prise de parole du magistrat intervient après la diffusion par TF1, le 1er
oct. 2018, d'un téléfilm controversé, inspiré
de l'affaire.
90. CSM, Rapport d'activité 2018, op. cit., p. 159.
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