Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 215

LE COSTUME DES GENS DU PALAIS
signes visibles. « Les chevaliers portaient-ils des vêtements longs, les juristes
les revêtaient également ; prenaient-ils la qualité de chevaliers d'armes, les
seconds s'appelèrent chevaliers ès lois ou chevaliers des lois ; les premiers se
faisaient-il appeler " messire " ou " monseigneur " , les chevaliers ès lois prirent le
titre de " maître " »12. La question, notamment, de la longueur de la robe agitait
les esprits, l'idée étant que plus la robe était longue, et plus importante était la
qualité de son porteur. Les robes actuelles en portent encore le témoignage,
puisqu'elles sont dotées d'une traîne, qui pouvait autrefois être déployée lors
des grandes occasions. Tel n'est plus le cas aujourd'hui, la traîne demeurant
mais étant cousue et repliée à l'intérieur de la robe.
B - LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE
275 › La robe honnie. - La période révolutionnaire entendit faire table rase du
passé. Un décret du 3 novembre 1789 prononça la mise en vacance illimitée des
Parlements, prélude à une réorganisation complète du système judiciaire. Les
magistrats de l'Ancien Régime rendaient la justice au nom du roi, et en revêtaient
le costume, conception incompatible avec la nouvelle société progressivement
mise en place. C'est à partir de 1790 que des textes vont s'intéresser à la
question du costume judiciaire. Il n'était bien évidemment plus question de
maintenir les anciennes robes, signes d'un pouvoir désormais révolu, même si
l'article 1er
du titre II du décret des 16 au 24 août 1790 sur l'organisation judiciaire
proclamait encore que « la justice sera rendue au nom du Roi »13.La
robe fut donc supprimée. Le décret des 2-11 septembre 1790, sur l'organisation
judiciaire, posa les premières règles quant au nouveau costume des juges : « les
juges, étant en fonction, porteront l'habit noir, et auront la tête couverte d'un
chapeau rond, relevé par le devant, et surmonté d'un panache de plumes noires.
Les commissaires du Roi étant en fonction auront le même habit et le même
chapeau, à la différence qu'il sera relevé en avant par un bouton et une ganse
d'or. Le greffier étant en fonction sera vêtu de noir, et portera le même chapeau
que le juge, et sans panache. Les huissiers faisant le service de l'audience
seront vêtus de noir, porteront au cou une chaîne dorée descendant sur la poitrine,
et auront à la main une canne noire à pomme d'ivoire ». Il y a, de manière
paradoxale, une certaine constance dans la fixation des costumes de justice, et
la Révolution se situe en réalité dans une étonnante continuité. Celui qui est
appelé à juger le fait en vertu d'une autorité supérieure et, à cet égard, le costume
qu'il revêt dans ses fonctions en est la manifestation : le juge d'Ancien
Régime jugeait en portant le manteau royal, le juge révolutionnaire le faisait
par délégation du peuple souverain. Il était donc logique qu'il portât l'habit du
peuple, autrement dit l'habit noir. Il en fut de même s'agissant du Tribunal de
cassation, aux termes du décret des 11-18 février 1791 :
« Les membres du Tribunal de cassation porteront, seulement lorsqu'ils seront en
fonction, l'habit noir, le manteau de drap ou de soie noire, les parements du manteau
de la même couleur, et un ruban en sautoir aux trois couleurs de la Nation, au
12. J. Boedels, préc., p. 33.
13. Mais les juges rendront gratuitement la justice, et seront salariés par l'État.
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