Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 244

DROIT ET DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS
disciplinaire »15 ne fait aucun doute, sous-entend une relation d'agent à administration,
donc d'une certaine manière de subordonné à supérieur. Or, un magistrat
n'étant pas subordonné à l'État, il semble étrange, au regard de la séparation des
pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire, que l'État puisse se retourner
contre luidansle cadre d'une action récursoire. Si le but de ce mécanisme est
louable, il n'est pas adapté au statut et aux fonctions des magistrats.
Finalement, le fait que l'État se substitue à la responsabilité personnelle du juge a
eu pour effet de garantir la fonction première de toute action en responsabilité : l'indemnisation.
L'État étant son propre assureur, il demeure solvable et permet au
justiciable d'obtenir, lorsque les conditions sont réunies, une indemnisation de son
préjudice. À ce titre, une partie de la doctrine plaide pour une ouverture plus importante
delaresponsabilitéde l'État du fait du service public de la justice, allant ainsi
jusqu'àl'établissement d'une responsabilité sans faute16.Il est permis,au regard de
son importance théorique et pratique, de dire que la protection du juge dans le cadre
de la responsabilité civile de l'État du fait du service public de la justice fait partie
intégrante de l'autorité et de l'indépendance de la justice.
2) Un régime de responsabilité lacunaire
302 › Responsabilité sans responsabilisation. - Si le régime de responsabilité
siégeant aux articles L. 141-1 et suivants du Code de l'organisation judiciaire
protège efficacement le juge au cours de sa mission, il fait l'objet de certaines
critiques généralement axées autour de l'absence de responsabilisation des
juges qu'il protège. À tous les stades d'une action en responsabilité (de la faute
àl'indemnisation), ce régime ne parvient pas à être satisfaisant au regard de la
mission spécifique du juge. Tout d'abord, la responsabilité n'est pas celle du
juge, mais du « service public de la justice ». Ce dernier est aussi constitué par
d'autres professionnels, par exemple des greffiers ou certains officiers de
police. Le problème est que la terminologie générale de la notion de « service »
n'est peut-être pas conforme à la réalité. Il est possible que dans l'organisation
du service public de la justice, les greffiers et les magistrats n'aient parfois pas
les mêmes responsabilités, devoirs et pouvoirs. Le terme de « service » ne
prend donc pas en compte les pouvoirs et la place effective de tous les agents
le composant.
Ensuite, le juge fautif ne sera pas mis en cause puisqu'il s'agiradel'État. Or, une
action en responsabilité ne peut se résumer qu'à une indemnisation. Le procès civil
est, avant tout jugement, un moment de discussion. Concrètement, en cas d'action
contre l'État, le juge fautif ne sera pas mis en cause, de même qu'il peut ne pas être
au fait de la condamnation de l'État fondée sur ses agissements.
D'un point de vue substantiel, la possibilité d'engager la responsabilité de l'État
connaît certaines exceptions notamment au regard de l'activité juridictionnelle.
Lorsque la faute réside dans l'activité juridictionnelle, plus concrètement dans une
15. M. Long, P. Weil, G. Braibant, P. Dévolvé, B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative,
18e
éd., Dalloz, 2011, p. 429.
16. V. par ex. D. Sabourault, « La fonction juridictionnelle entre autorité, indépendance et responsabilité », rapport
nº 6, in M. Deguergue, Justice et responsabilité de l'État, PUF, Droit et Justice, 2003, p. 171-208.
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