Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 249

LA DISCIPLINE ET LA RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS
la formation de jugement puisque ce ne sont plus uniquement des magistrats
qui jugent leurs pairs.
Ensuite et comme nous l'avons déjà précisé, la procédure est devenue publique en
2001, donnant ainsi accès au corpus de décisions disciplinaires concernant les
magistrats. Dans la même idée, les droits de la défense du magistrat contre lequel
une action disciplinaire serait diligentée ont connu une amélioration de leur protection.
Alors qu'àl'origine, la procédure était informelle et les droits de la défense ne
s'ouvraient qu'au stade du jugement34,aujourd'hui les magistrats ont accès au dossier
dès l'instruction. De même, le jugement condamnant disciplinairement un
magistrat devra être motivé, ce qui permettra au magistrat sanctionné de comprendre
sa condamnation, mais aussi, éventuellement, de la contester35.
Enfin, l'ordonnance du 22 décembre 1958 ne comprenait aucun recours en matière
de décision disciplinaire (ce qui est toujours le cas aujourd'hui). Néanmoins et devant
cette situation critiquable, le Conseil d'État s'est déclaré juridiction de recours dans
son arrêt « l'Étang » de 1969, soit onze ans après l'ordonnance de 195836.La judiciarisation
de la procédure disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature
est donc assez incontestable en ce sens que les garanties procédurales essentielles
du procès judiciaire (et équitable) sont venues se greffer à ce contentieux si
particulier.
2) L'application de la sanction disciplinaire
308 › Loin des yeux loin des cœurs. - Au sens de l'article 45 de l'ordonnance du
22 décembre 1958, le magistrat qui s'est écarté de sa règle déontologique est
passible de sanctions différentes en fonction de la gravité de son écart. Les
sanctions posées par cet article sont les suivantes : 1º le blâme avec inscription
au dossier, 2º le déplacement d'office, 3º le retrait de certaines fonctions, 3º bis
l'interdiction d'être nommé ou désigné dans des fonctions de juge unique pendant
une durée maximum de cinq ans, 4º l'abaissement d'échelon, 4º bis l'exclusion
temporaire de fonctions pour une durée maximum d'un an, avec privation
totale ou partielle du traitement, 5º la rétrogradation, 6º la mise à la retraite
d'office ou l'admission à cesser ses fonctions lorsque le magistrat n'a pas le
droit à une pension de retraite et enfin 7º la révocation. L'analyse de l'application
des sanctions disciplinaires dévoile une « utilisation » intéressante de celles-ci
par le juge disciplinaire.
Tout d'abord, la révocation n'est utilisée, pour les magistrats du siège et du parquet,
qu'en cas d'agissement très grave constituant généralement des infractions pénales,
par exemple en cas d'infractions sexuelles, de corruption ou d'infraction à la
législation sur la consommation de stupéfiant. Cette sanction représente moins de
10% des sanctions prononcées contre les magistrats. Ensuite, on remarque pour
34. J.-Y. Mc Kee, « Le Conseil supérieur de la magistrature, siégeant comme conseil de discipline des magistrats du
siège et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme », in Le juge entre deux millénaires, Mélanges
offerts à Pierre Drai, Dalloz, 2000, p. 89 ; V. aussi A. Garapon, D. Salas, « Le droit disciplinaire des magistrats
français : quis costodiet custodes ?», Rev. trim. dr. h.,1995, nº 22, p. 193.
35. Art. 57, l'ordonnance nº 58-1270 du 22 déc. 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.
36. CE, ass., 12 juill. 1969, nº 72480, l'Étang, Rec. p. 388 ; RD publ. 1970, p. 387, note M. Waline.
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