Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 250

DROIT ET DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS
les magistrats du siège et du parquet que l'abaissement d'échelon et la rétrogradation
occupent une place somme toute minime au regard de l'emploi des autres
sanctions. Dans la même idée, le blâme avec inscription au dossier est appliqué
aux magistrats du siège et du parquet dans des proportions similaires (environ
10%).En outre,il est intéressant d'analyser les affaires qui n'aboutissent à aucune
sanction. Celles-ci occupent une place relativement importante au regard de l'ensemble
des décisions. En effet, environ 20% des actions disciplinaires concernant
des magistrats du siège et 17% concernant le parquet aboutissent à une absence
de sanction. Enfin, toujours concernant les magistrats du siège et du parquet, la
place des déplacements d'office doit être soulignée. En effet, cette sanction est, en
quelque sorte, une «mutation » sanctionnant le magistrat s'écartant de sa norme
déontologique. Cette sanction est la peine disciplinaire la plus utilisée : environ
23% pour les magistrats du siège et 34% pour les magistrats du parquet. Celle-ci
est souvent couplée au retrait de certaines fonctions. Par exemple, un juge d'instruction
qui commettrait une faute disciplinaire serait déplacé d'office tout en ne
pouvant plus remplir les fonctions d'instruction pendant un certain temps.
L'utilisation du déplacement d'office pose certaines questions. Tout d'abord, déplacer
est-il sanctionné ? Il est assez clair que l'éloignement est, en soi, une souffrance
(relation familiale, amicale, habitude, déménagement...). Cette mesure, alors qu'elle
est numéro deux dans le cadre de la liste de l'article 45 de l'ordonnance du
22 décembre 1958 (qui semble énoncer les sanctions par échelle de gravité) peut
probablement être plus « gênante » que d'autres. Comment expliquer le plébiscite
de cette sanction par le juge disciplinaire ? L'on pourrait arguer que, depuis 1958, le
comportement des magistrats s'écartant de leur règle déontologique appelle cette
sanction et que, finalement, ce chiffre n'est qu'un concours de circonstances. Ce
concours de circonstances paraît malgré tout troublant, afortiori lorsqu'on
remarque que cette prédominance du déplacement d'office se constate autant
chez les magistrats du siège que chez les magistrats du parquet. Une autre explication
paraît plus satisfaisante. En effet, on remarque que le déplacement d'office est
la seule sanction (mis à part. la révocation limitée à des cas graves), qui écarte un
magistrat de sa juridiction et, plus généralement, de son lieu d'exercice. Or, il peut
paraître possible que le comportement de certains magistrats, bien qu'ils puissent
être sanctionnés disciplinairement, est problématique au regard du crédit « local »
que doit conserver l'institution de la justice. Par exemple, si un magistrat fait l'usage
de produit stupéfiant ou exerce ses fonctions sous l'emprise d'un état alcoolique, sa
présence pourra être considérée comme problématique au regard des autres professionnels
du droit qui l'entourent, même si son comportement a été sanctionné
disciplinairement. Il semblerait donc que la mesure d'éloignement soit plébiscitée,
car elle écarte le magistrat de son ressort d'exercice et permet à l'institution de
conserver son crédit local auprès des professionnels du droit et des justiciables.
Autrement dit, il serait peut-être difficilement acceptable qu'un magistrat s'écartant
de certaines règles déontologiques (mais ne méritant pas pour autant une sanction
lourde telle que la révocation), puisse être, avoir été suspendu ou rétrogradé,
reprendre immédiatement ses fonctions au même endroit, car celui-ci ne pourrait
pas regagner l'autorité indispensable à sa fonction et la confiance de sa « famille »
judiciaire. Pourtant, le déplacement d'office peut provoquer de grandes souffrances,
générer des frais importants et surtout ne préserve pas les justiciables de nouveaux
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