Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 263

LA DISCIPLINE ET LA RESPONSABILITÉ DES MAGISTRATS
le choix de l'action récursoire, laquelle est consacrée de différentes manières
(légalement, jurisprudentiellement ou les deux) et selon différentes modalités.
En Belgique, au Danemark et au Luxembourg par exemple, l'action récursoire
n'est pas prévue dans les textes, mais demeure utilisée en pratique, ce qui est
l'inverse de la situation française. De même, si l'action récursoire, initialement
mise en place par la jurisprudence administrative avec l'objectif de répartir une
dette, a rapidement trouvé un aspect disciplinaire, celui-ci est parfois clairement
reconnu, comme en Italie ou en Estonie par exemple, où le juge sera condamné
selon la gravité de sa faute et de sa position dans la hiérarchie, étant précisé que
la condamnation ne pourra pas dépasser une certaine partie de son salaire. En
Norvège par exemple, l'action récursoire n'est pas calculée en fonction de
l'étendue du dommage, mais en fonction des capacités financières du juge. Ce
pragmatisme amène une idée intéressante, alliant une responsabilisation équilibrée
et une protection de l'indépendance du juge puisque celui-ci ne pourra
pas être lourdement grevé par une dette. Pour autant, cette idée semble incompatible
avec la conception française de la responsabilité qui demeure indemnitaire,
réparatrice et non sanctionnatrice. Dans d'autres cas, la responsabilité
personnelle du juge pourra être engagée, non par le biais d'une action récursoire,
mais par une action directe envers lui. Ce qui est le cas de l'Espagne, en
cas de dol ou de faute lourde. Enfin et de manière tout à fait originale par rapport
à la situation française, dans certains pays européens autorisant les actions
directes, des systèmes de garantie pour les juges sont mis en place. En d'autres
termes et plus concrètement, des systèmes assurantiels sont établis, permettant
ainsi d'absorber financièrement les condamnations frappant les juges. On
peut donc remarquer, à ce stade des développements et comme annoncé,
qu'aucun système ne semble avoir trouvé de réponses clairement innovantes
ou avant-gardistes aux problèmes posés par la responsabilité des magistrats.
Notons néanmoins que certains procédés demeurent originaux. L'Italie est un
exemple de cette originalité. Il est généralement avancé que la collégialité serait
un obstacle à toute mise en cause personnelle du juge puisqu'il ne serait pas
possible de distinguer les magistrats fautifs des magistrats non fautifs au sein
d'une même formation (un tribunal par exemple) ayant commis une faute. Or, le
système italien a résolu cette question en demandant à chaque juge de consigner
son vote dans un coffre afin de pouvoir, en cas d'action en responsabilité,
dissocier les magistrats fautifs des magistrats non fautifs58. Ce rapide diaporama
européen permet de se rendre compte que la France demeure dans un
standard convenable en matière de responsabilité de l'État du fait du service
public de la justice, domaine intrinsèquement épineux et délicat, sans que ce
constat ne doive mener à un quelconque immobilisme dans ce domaine qui a
(et qui aura toujours) fondamentalement besoin de réflexions innovantes.
328 › Encore un problème toujours plus visible... - Les problèmes très complexes
découlant de l'idée de responsabilisation des magistrats ne doivent pas
occulter ce qui a déjà été fait dans la matière et ce qui peut être fait par la suite.
En effet, au regard des développements précédents, il semble que certains
58. S. Guinchard, G. Montagnier, A. Varinard, T. Debard, Institutions juridictionnelles,12e
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éd., Dalloz, 2013 p. 295.

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