Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 275

MAGISTRATS ET AVOCATS
L'audience reste certes un moment fort de l'exercice professionnel du magistrat,
c'est celui de l'audience publique, au cours de laquelle il incarne la justice, et qui,
au-delà des valeurs essentielles d'impartialité, d'attention portée au respect du
contradictoire, et d'indépendance, requière des qualités liées au savoir être, à la
tenue et à l'apparence. Mais l'évolution des métiers et l'avènement d'une justice virtuelle
laissent entrevoir la possibilité à terme de se passer de ce temps emblématique
du métier de magistrat, au moins dans certains cas.
Le rapport intitulé « Justice et autorité » rédigée en 2013 par un groupe de magistrats,
universitaires et avocats, sous l'autorité d'Antoine Garapon, à la demande du
garde des Sceaux de l'époque, met en lumière les évolutions de l'office du juge,
c'est-à-dire de ses fonctions mêmes. À la mission traditionnelle de trancher les litiges,
ce rapport substitue une série de six offices distincts : l'office processuel qui
consiste à mettre en forme le litige, l'office de vérité qui doit conduire à la construction
d'une vérité judiciaire sur laquelle pourra s'asseoir et se construire la réponse
judiciaire, l'office sanctionnateur, qui consiste à apporter une réponse répressive à
des comportements prohibés par la loi, l'office libéral, qui assure la protection des
libertés individuelles par le juge judiciaire et connaît aujourd'hui un essor sans précédent,
l'office tutélaire qui assure la protection des parties les plus faibles, mineurs
en danger, majeurs ou mineurs incapables, malades hospitalisés sans leur
consentement... et l'office jurisprudentiel qui vient compléter et préciser les modalités
de l'application de la loi par la manière dont le juge interprète. À ces six fonctions,
s'ajoute la préoccupation liée au respect du délai raisonnable, qui fait également
du juge un gestionnaire du temps judiciaire et de son « portefeuille » de
dossiers, qu'il exerce ses fonctions dans un service généraliste ou a fortiori en cabinet.
Dans
un contexte marqué par la juridictionnalisation croissante de la société, et par
l'émergence de plus en plus importante des contentieux de masse, le juge, et de
manière plus pesante encore, le jeune magistrat fraîchement sorti de l'École et
animé du souci de bien faire, se trouve pris entre « la conscience aiguë de la responsabilité
qui lui incombe, des enjeux et des conséquences que peuvent avoir ces
décisions » et la préoccupation consistant à « gérer les contentieux de masse ».
C'est ce qu'exprime par exemple la présidente de l'Association des jeunes
magistrats27.
345 › L'évolution du travail du magistrat, partagé entre les offices diversifiés qui
lui incombent et la dimension de gestion de son service est ainsi porteuse de
nouvelles attentes et exigences d'ordre déontologique, notamment dans la gestion
et l'organisation de son temps : ainsi par exemple, quel équilibre trouver
entre la recherche de l'efficacité dans le traitement des contentieux et le
temps nécessaire pour permettre aux parties de s'exprimer, éventuellement
avec le recul utile ? Quel équilibre, dans l'exercice des fonctions de cabinet
plus particulièrement, entre le traitement des dossiers stricto sensu,et l'implication
dans une politique partenariale, également indispensable pour un juge
des enfants ou un juge de l'application des peines, par exemple.
27. Entretien Florence Lardet, 16 janv. 2018, Association des jeunes magistrats, site intranet direction des services
judiciaires/RH magistrats/expériences de magistrats.
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