Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 33

HISTOIRE DE LA DÉONTOLOGIE DES MAGISTRATS
Martin 1702) ; « La science du magistrat » (Saint-Martin 1709) ; «De la discipline »
(Pâques 1715). Qu'est-ce qu'un bon juge ? Ce n'est pas seulement un juge vertueux,
dont on pourrait dire : il est juste, il est courageux, il est prudent... C'est un juge dont
les vertus se donnent à voir en sa personne ou à travers ses actes. Ainsi, tôt sous la
plumedeCoras, l'âge du juge, par exemple, est un critère objectif. Non pas que
l'âge en lui-même soit constitutif d'une vertu: «La probité et l'intégrité sont sur
toutes choses requises à un juge, plus en premier lieu que la maturité de l'âge [...]
car comme disait Aristote, le vice n'est pas en l'âge, mais aux mœurs et conditions
de l'homme, et ne faut constituer différence entre un jeune enfant et un vieux
homme quia lesmœurs d'un enfant ». Mais l'âge est un critère nécessaire à l'acquisition
de la sagesse et de l'expérience indispensable pour bien juger, nous dit
Coras. Aussi, les vertus du juge « se donnent à voir », en une sorte de philosophie
pratique. Raison pour laquelle nos magistrats insistent tant sur le vêtement et l'apparence
du juge, afin de « paraître tel qu'il doit être »59.C'est qu'un juge « ne peut
perdre les dehors de son état, sans donner lieu de présumer qu'il lui manque audedans
quelqu'une des qualités qui y sont nécessaires »60. Cette opinion est déjà
celle de Coras et de La Roche-Flavin, qui développent des trésors de subtilité pour
rendre compte de l'idée de mesure selon les lois de l'apparence, une apparence qui
se doit d'être le reflet exact des vertus « du dedans », et non un camouflage ou une
hypocrite vitrine. Lisons Bernard de La Roche-Flavin sur cette question :
«Ce n'est pas un petit argument de l'intérieur du personnage que l'habit [...]
étant raisonnable qu'en nos habits, en notre port, en notre contenance et en
tous nos actes extérieurs, nous faisons connaître que nous sommes nourris
en une école de sagesse, de prudence et de modestie. [...] Il n'est aussi décent
aux Magistrats d'user d'habits trop mignards, parfumés, musqués, ni affiquets
(ornements), ni autres choses propres et ordinaires aux femmes [...]. II n'est
pas non plus décent ni honnête de se farder le visage et parfumer ; moins colorer
et peindre sa barbe et cheveux, comme nous avons vu un Président le faire.
[...] Anciennement, les Présidents et Conseillers, comme faisaient aussi les
rois et presque tous, portaient la barbe rase, et la chevelure longue, couvrant
lesoreilles, ainsiqu'il se voit ès tableaux et tapisseries et vieux portraits : mais
depuis cinquante ans on fait le contraire. Ce qu'a taillé de la besogne aux barbiers,
de diversifier la façon des barbes, autant qu'il y a d'humeurs volages et
bigarrés d'aucuns. Ce que ne sera imité par nos Magistrats, lesquels s'accommoderont
en cela et autres choses à l'usage commun : car il est vrai que la
barbe apporte de la gravité et respect, et représente un âge mûr et rassis.
Mais si elle est trop longue, elle est fort empêchante et préjudicie à la santé,
rendant les personnes tristes et mélancoliques [...]. Est aussi fort indécent de
voir aucuns jeunes Conseillers, le menton presque rasé, ou fort ras coupé,
avec de grandes moustaches, fort relevées, retroussées et frisées avec certains
fers chauds à la Turcque »61.
59. F. Fyot de la Marche, Les qualités nécessaires à un juge, Paris, 1699, p. 29.
60. Ibid.
61. B. de La Roche-Flavin, Treze livres des Parlemens de France, Bordeaux, 1617, p. 458.
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