Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 89

LE STATUT DES MAGISTRATS
de celui-ci couplée au maintien de son aura protectrice - et certainement intimidante
pour les autres institutions - au 1er
aliéna de l'article 64, le Conseil supérieur
de la magistrature a su s'affirmer, au gré des révisions constitutionnelles et de la
pratique de ses membres, comme une interface efficace entre la magistrature et
l'Exécutif. C'est ainsi qu'au sortir de la réforme du 23 juillet 2008, le Conseil constitutionnel,
appeléàconnaître de la conformitéàlaConstitution delaloi organique
relativeàl'article 65delaConstitution, apu juger « qu'il résulte [de la nouvelle
rédaction] que l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature concourt à
l'indépendance de l'autorité judiciaire »20. La majorité présidentielle et législative
issue des élections de 2012 a tenté de tirer les conséquences de cette jurisprudence
avec le dépôt l'année suivante d'un projet de loi constitutionnelle donnant à l'article
64, alinéa 2 la rédaction suivante : « Le Conseil supérieur de la magistrature
concourt, par ses avis et ses décisions, à garantir cette indépendance ». Le texte
adopté en termes identiques par les deux chambres trois ans plus tard, mais non
soumis à référendum ou au Parlement convoqué en Congrès, devait prévoir une formule
plus ramassée : « le Conseil [...] concourt à garantir cette indépendance ».
96 › Le « CSM » des IIIe et IVe Républiques, entre naissance et constitutionnalisation.
- La France, cela doit être souligné, a joué un rôle précurseur en
matière de création d'un Conseil supérieur de la magistrature. La première institution
portant ce nom a été établie par la loi du 30 août 1883 sur la réforme de
l'organisation judiciaire, également connue pour avoir facilité une des plus
importantes épurations de la magistrature de l'histoire afin d'asseoir durablement
le régime républicain. Le choix réalisé fut celui d'une structure composée
uniquement des pairs, en confiant ce rôle à l'assemblée plénière de la Cour de
cassation. Uniquement compétente vis-à-vis des magistrats du siège, elle était
chargée de statuer en qualité d'organe disciplinaire, de rendre un avis conforme
pour à la fois la mise à la retraite d'office des magistrats souffrant d'infirmités
graves et permanentes les empêchant d'exercer leurs fonctions, et le changement
de fonctions d'un magistrat. Dans le contexte de la fin de la Première
Guerre mondiale, une loi du 12 juillet 1918 vint toutefois confier les deux attributions
consultatives à une commission au fonctionnement plus souple, comprenant
sept magistrats de la Cour de cassation dont son premier président21.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Constituant de la IVe République a
entendu défendre un modèle différent de celui de la IVe République. D'une part, l'institution
se voyait élever au rang d'un organe constitutionnel, avec un titre IX dédié.
D'autre part, le primat des pairs fut remplacé par une exigence démocratique. Le
rapporteur du premier projet de Constitution, Pierre Cot, en avait résumé l'économie
- largement transposable au deuxième projet devenu celle du 27 octobre 1946 :
«Pour nous, en démocratie, la meilleure façon d'assurer la véritable indépendance
[des magistrats], c'est de la faire garantir par les élus, les représentants du
peuple »22. Il en est résulté une instance de quatorze membres, dont le président
de la République et le garde des Sceaux, respectivement président et vice-président,
20. Cons. const., nº 2010-611 DC du 19 juill. 2010.
21. V. O. Pluen, L'inamovibilité des magistrats : un modèle ?, LGDJ, Fondation Varenne, p. 158-160.
22. ANC, 2e
séance du 17 avr. 1946, p. 1974.
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