Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 95

LE STATUT DES MAGISTRATS
être révoqué »34. De la même façon, en France, la Constitution de la Seconde République
de 1848, qui a explicité pour la dernière fois l'inamovibilité, prévoyait : « les
juges [...], sont nommés à vie. - Ils ne peuvent être révoqués ou suspendus que par
un jugement, ni mis à la retraite que pour les causes et dans les formes déterminées
par les lois ». En droit français, cette acception, qui a évolué sans disparaître,
justifie notamment que le Conseil supérieur de la magistrature soit aujourd'hui qualifiédejuridiction
lorsqu'il agit en tant qu'organe disciplinaire des magistrats du
siège. Thierry S. Renoux parle, à cet égard, d'inamovibilité « des fonctions ». Or les
inamovibilités des fonctions et de résidence forment un tout dans un système de
carrière, ainsi qu'en témoigne par exemple le Statut universel du juge de 199935.
104 › Notions et garanties distinctes. - Faute souvent de chercher à la définir
précisément, tant concernant son objet que s'agissant de son contenu, on a
longtemps extrapolé sur l'inamovibilité. Cette dernière doit d'abord être distinguée
d'autres notions, qui tendent à la faire regarder comme une garantie absolue
pour le seul magistrat du siège. Premièrement, l'inamovibilité n'est pas
synonyme de désignation « à vie ». Si cette relation a pu être établie avant que
ne soit instauré un système de pension, permettant au « vieux » magistrat de
subvenir à ses besoins, elle ne se justifie plus dans un système de carrière qui
y pourvoit et met les magistrats sur un pied d'égalité quant à l'âge de départ,
prévisible, à la retraite (v. le chap. IX du statut organique de 1958). Deuxièmement,
l'inamovibilité n'est pas « l'irrévocabilité ». Dès l'ordonnance royale du
21 octobre 1467, il a été admis qu'un office puisse devenir « vaquant par [...] forfaiture
préalablement jugée et déclarée judiciairement ». C'est-à-dire qu'un
magistrat du siège peut tout à fait faire l'objet d'une procédure disciplinaire,
dès lors qu'elle prend une forme juridictionnelle (v. art. 65 Cº et chap. VII,
sect. 2 du statut organique), et être révoqué au terme de celle-ci (v. également
art. 73 du statut organique). Troisièmement enfin, l'inamovibilité n'est pas
«l'immobilité ». L'article 4, alinéa 2 de l'ordonnance organique du 22 décembre
1958, suivant lequel « le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement,
une affectation nouvelle, même en avancement », apparaît de ce point
de vue moins favorable que le statut des enseignants-chercheurs, dont l'article 2
pose : « les enseignants-chercheurs ne peuvent être mutés que sur leur
demande »36. Tenant compte de ce moindre degré d'exigence initiale, le législateur
organique et le Conseil constitutionnel ont progressivement pu défendre ou
admettre une interprétation de cette disposition conciliant au mieux indépendance
des magistrats et besoins du service public de la justice. Ainsi, comme
le relève Thierry S. Renoux dans son Code constitutionnel, « ce qui importe
[aujourd'hui] c'est que la durée d'exercice des fonctions soit fixée préalablement
àl'installation, de manière claire, impartiale et objective, et puisse recueillir le
consentement du magistrat »37. Il en résulte la possibilité d'instituer un
34. Conseil canadien de la magistrature, Pourquoi l'indépendance judiciaire est-elle importante pour vous ?,
CJC/CCM, 2016.
35. Conseil central de l'Union internationale des magistrats, Statut universel du juge, UIM, 1999 (mis à jour en 2017).
36. Décret nº 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs
et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences.
37. T. S. Renoux, M. de Villiers, X. Magnon (dir.), Code constitutionnel, LexisNexis, 2019, p. 1269.
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