Hors collection - Droit et déontologie des magistrats - 97

LE STATUT DES MAGISTRATS
sera et restera à la hauteur de la tâche qui lui est confiée. Tocqueville, dont il
faut se rappeler qu'il fut magistrat, a souligné toute l'absurdité d'une absence
de prise de conscience en la matière : « on veut que les juges soient inamovibles
pour qu'ils restent libres ; mais qu'importe que nul ne puisse leur ravir leur
indépendance, si eux-mêmes en font le sacrifice »42.
106 › Les bénéficiaires de l'inamovibilité. - L'article 64, alinéa 4 précise que
sont bénéficiaires de l'inamovibilité les « magistrats du siège ». Cette formulation,
à la limpidité apparemment exemplaire, mérite néanmoins d'être explicitée.
Par celle-ci, il convient de comprendre les magistrats de carrière - c'est
un pléonasme - nommés dans un emploi ou des fonctions du siège, mais également
les personnes qui occupent un emploi ou une fonction du siège à titre temporaire
(v. chap. V bis du statut organique). Les auditeurs de justice siégeant
dans des formations des juridictions civiles et correctionnelles en sont exclus,
expliquant que le Conseil constitutionnel juge que leur « participation [...] avec
voix délibérative [à ces formations] est incompatible, eu égard au statut particulier
desdits auditeurs, avec le principe d'indépendance des juges tel qu'il résulte
de l'article 64 de la Constitution »43.
B - UNE LOI ORGANIQUE PORTANT STATUT DES MAGISTRATS
107 › Le choix initial d'un statut organique. - Lors des travaux préparatoires à
la Constitution du 4 octobre 1958, la question du niveau du texte adéquat pour
régir le détail du statut de la magistrature a connu des soubresauts. Dès la réunion
du groupe de travail du 3 juillet 1958, le garde des Sceaux avait insisté sur
l'idée qu'« une Constitution doit être brève et qu'il ne faut pas l'encombrer »44.
C'est ainsi, il fut suggéré dès le 7 juillet, dans une note sur les « lois organiques
», nouvelle catégorie normative « devant contenir des dispositions qui,
pour être fort importantes, n'en seraient pas moins détaillées », d'y intégrer
l'« organisation de la magistrature »45. Les rédactions vont toutefois évoluer à
plusieurs reprises, prévoyant que : « la justice est rendue par un corps de
magistrats dont l'indépendance est garantie par la Constitution » (10 juill.), puis
par « la loi » (15 juill.) ; « l'indépendance des magistrats doit être assurée par la
loi portant statut de la magistrature » (5 août), puis par « la loi organique portant
statut de la loi organique » (8 août) ; et finalement, « une loi organique porte statut
des magistrats » (3 sept.).
108 › Le bénéfice d'une protection constitutionnelle renforcée. - En termes de
garantie, le recours à la loi organique comme instrument juridique d'encadrement
du statut des magistrats présente un double intérêt. Le premier tient à
l'existence d'une procédure d'adoption plus complexe que pour les lois ordinaires
(art. 46 Cº). La seconde réside dans le fait que ces textes doivent être obligatoirement
soumis par le Premier ministre au Conseil constitutionnel avant
leur promulgation, afin que celui-ci exerce un contrôle de leur conformité à la
42. Tocqueville, De la démocratie en Amérique, t. 1, vol. 2, Librairie de Charles Gosselin, éd. 1836, p. 180.
43. Cons. const., nº 70-40 DC du 9 juill. 1970.
44. DPS, vol. I, p. 349.
45. DPS, vol. I, p. 339.
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