Bibliothèque de droit privé - Tome 615 - Les sanctions pécuniaires civiles - 111

LA DIVERSITÉ DES MANIFESTATIONS DES SANCTIONS PÉCUNIAIRES CIVILES
a) L'existence manifeste de peines privées remplissant une fonction
indemnitaire
149. les peines privées remplissant de façon « accidentelle » une fonction
, sont couramment présentées comme poursuivant à la fois
.
indemnitaire. Tel est le cas des clauses pénales. Celles-ci, généralement qualifiées
de peines privées390
des fonctions comminatoire et punitive d'une part et indemnitaire d'autre part391
. Pourtant,
. Il serait excessif
La dimension indemnitaire des clauses pénales est particulièrement nette en ce
qu'elles excluent par principe l'attribution de dommages et intérêts392
aucun préjudice ne doit a priori être prouvé pour mettre en œuvre la clause et
celle-ci peut par principe être mise en œuvre alors même que l'inexécution
contractuelle n'aurait, en pratique, causé aucun préjudice393
d'en déduire que la dimension indemnitaire de la clause pénale en constitue un
simple effet394
. Les constats opérés au sujet de la clause pénale pourraient
390. Cf infra, n° 317 et s.
391. J.-S. Borghetti, « La qualification de clause pénale », RDC 2008, p. 1158, spéc. p. 1160 ;
P. Lemay, « La clause pénale en nature », RTD com. 2017.801, n° 2. Cette dualité se rencontre a
minima lorsque les parties ont entendu, par une même clause, poursuivre des finalités indemnitaires et
coercitives : F. Chabas, préface de la thèse de D. Mazeaud, La notion de clause pénale, op. cit., p. XIV ;
S. Carval, « Paiement de la clause pénale en l'absence de preuve du préjudice », RDC 2007, p. 749 ;
Cass. com., 30 nov. 2010, n° 09-15 .980 ; Cass. 3e
civ., 21 mai 2008, n° 07-12.848 : la clause « était
civ.,
stipulée à la fois pour le contraindre à l'exécution du contrat et comme évaluation conventionnelle et
forfaitaire du préjudice subi par le bailleur du fait de la rupture fautive de celui-ci » ; Cass. 1re
19 juin 2008, n° 07-14.556 : « cette indemnité [...] était stipulée à la fois comme un moyen de
contraindre l'emprunteur à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du
préjudice futur subi par le prêteur [...] et constituait donc une clause pénale ». Sur la dualité de la
clause pénale, voir déjà : R. Demogue, Traité des obligations en général, t. VI, Librairie Arthur
Rousseau, Paris, 1932, n° 484.
392. Cette règle résultait anciennement de l'article 1229 du Code civil. D. Mazeaud, La notion de
clause pénale, op. cit., n° 15 ; G. Chantepie, M. Latina, La réforme du droit des obligations, Dalloz,
Paris, 2e
LGDJ, Paris, 1902, 5e
éd., 2018, n° 690. Certains auteurs (C. Aubry, C. Rau, Cours de droit civil français, t. IV,
éd., § 309, spéc. p. 189 ; R. Demogue, Traité des obligations en général, t. VI,
op. cit., n° 473 ; pour une évocation plus générale de cette position : D. Mazeaud, La notion de clause
pénale, op. cit., n° 535) ont soutenu que la règle de non-cumul entre la clause pénale et la réparation
était supplétive de volonté. En ce cas, et si une clause prévoyant la possibilité de cumul était stipulée,
la dimension indemnitaire de la clause pénale sera bien plus contestable.
393. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, op. cit., p. 5. Voir par exemple : Cass. 3e
civ., 20 déc.
2006, n° 05-20.065 ; O. Tournafond, « En cas de retard dans la délivrance de l'immeuble les acquéreurs
ont droit, même s'ils n'en ont pas éprouvé de préjudice, au montant des indemnités qui leur ont été
promises dans le contrat au titre de la clause pénale », RDI 2007.351, D. Bakouche, JCP G 2007, II
10024 ; S. Carval, « Paiement de la clause pénale en l'absence de preuve du préjudice », art. préc. Voir
déjà antérieurement : Cass. 3e
civ., 12 janv. 1994, n° 91-19.540 ; J. Mestre, « L'existence d'un préjudice
n'est pas une condition de mise en œuvre de la clause pénale », RTD civ. 1994.605.
394. D. Mazeaud, La notion de clause pénale, op. cit., n° 123. Pour l'auteur l'ancien article 1229,
du Code civil indiquait la fonction tenue par la clause pénale en présence d'un dommage, cette
clause se substituant aux dommages et intérêts de droit commun. L'auteur indique toutefois que la
clause n'en épouse pas la nature, ce qu'il faut sans doute comprendre comme indiquant que la clause
pénale n'a pas un caractère strictement indemnitaire. Il ajoute qu'en cas de préjudice la peine assure
une fonction réparatrice, mais que cette fonction n'étant pas nécessaire, elle ne participe de la
qualification de la clause pénale (D. Mazeaud, La notion de clause pénale, op. cit., n° 600 [Voir
cependant op. cit., n° 461] ; Cass. 3e
civ., 14 févr. 2019, n° 17-31.665, O. Deshayes, « La stipulation de
sanctions contractuelles n'exclut pas la mise en œuvre des solutions issues du droit commun des
obligations », JCP G 2019, 363). Par ailleurs, le fait que le contrôle de l'excès de la peine privée se fasse
par rapport au dommage peut sembler de nature à renforcer cette dimension indemnitaire (Cf. infra,
note n° 486). On peut toutefois se demander si ce critère ne traduit pas plutôt une incertitude quant
aux fonctions de la clause pénale ou quant au champ d'application de l'ancien article 1152 al. 2 du
Code civil : cf. infra, n° 319.
al. 1er
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