Bibliothèque de droit privé - Tome 615 - Les sanctions pécuniaires civiles - 139

LE CARACTèRE CIVIL VARIABLE DES SANCTIONS PÉCUNIAIRES CIVILES
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discutée6
, il est loin d'être certain qu'elle dérive d'une volonté consciente des
rédacteurs du projet, illustrant ainsi la confusion qui entoure la nature ainsi que
les fonctions qu'il est souhaitable, voire possible, d'attribuer à l'amende civile7
.
193. les amendes civiles et le droit civil. Ces interrogations mettent en
lumière les difficultés à penser les rapports qu'entretiennent les amendes civiles
avec le droit civil. Dès lors que le qualificatif « civile » de l'amende semble naturellement
impliquer que celle-ci relève du droit civil, il convient de se demander
à quelle branche du droit civil cette amende est susceptible d'appartenir. Or,
l'amende civile constitue une réaction du droit à la violation par un individu des
devoirs que les normes juridiques lui imposent. De plus, cette réaction ne porte
pas sur la validité d'un acte ou sur l'exercice d'un droit, mais vise seulement à ce
que l'individu subisse une conséquence négative du fait du non-respect de la
règle à travers le paiement d'une somme d'argent. Cette logique, assigner une
conséquence à la violation d'une règle juridique de comportement afin de faire
répondre l'individu de ses actes, correspond à la définition généralement donnée
du terme « responsabilité » dans son acception juridique8
. Le rattachement de
l'amende civile à la responsabilité civile pourrait alors sembler logique. Une
nuance doit toutefois immédiatement être apportée. En effet, si celui qui est responsable
civilement doit « répondre de », c'est avant tout du dommage et non de
la violation de la règle de droit, ce qui est parfaitement logique dès lors que le
droit civil est principalement tourné vers l'organisation des relations entre individus.
Si l'amende civile semble bien procéder d'une responsabilité, il n'est pas
alors certain que celle-ci soit civile.
194. les amendes civiles et la responsabilité civile. La légitimité du rattachement
des amendes civiles à la responsabilité civile paraît contestée par une partie
de la doctrine. Ainsi, Monsieur Stasiak affirme, au sujet de l'amende civile de
l'article L. 442-6, III du Code de commerce, devenu L. 442-4, I du même code,
que « Personne n'est dupe du subterfuge terminologique utilisé par le législateur :
fût-elle " civile " une amende ressortit bien de la sphère répressive »9
. La lecture des
6. E. Dreyer, « L'amende civile concurrente de l'amende pénale ? », art. préc., n° 4. Concernant
l'exigence d'un préjudice pour le prononcé de peines privées : A. Jault, La notion de peine privée,
LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », t.442, Paris, 2005, n° 125 et 129.
7. Outre l'avant-projet et le projet de réforme du droit de la responsabilité voir notamment :
Y. Jegouzo, Pour la réparation du préjudice écologique, rapport du groupe de travail installé par Mme
Christiane Taubira, garde des Sceaux, ministre de la Justice, op. cit. Ce projet proposait l'introduction
dans le Code civil d'un article 1386-23 prévoyant une amende civile selon une rédaction ayant
manifestement grandement influencé la rédaction de l'article 1266 de l'avant-projet (Voir notamment :
L. Fonbaustier, « Promouvoir et améliorer la réparation du préjudice écologique, À propos du rapport
du 17 septembre 2013 », JCP G 2013/40, 1006 ; Z. Jacquemin, « Pour une reconnaissance de la
spécificité contractuelle dans les effets de la responsabilité ; note sous avant-projet de loi de portant
réforme du droit de la responsabilité civile », RDC 2016, p. 809 et s. et N. Allix, « Private penalty », in.
Groupe Grotius-Pothier, Report on the french avant-projet de réforme de la responsabilité civile, 2016).
8. D. Alland, S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, op. cit., V° « Responsabilité ».
9. Voir également : A.-S. Choné, Les abus de domination. Essai en droit des contrats et en droit de
la concurrence, op. cit., n° 599 : « Une alternative existe selon qu'on souhaite [que la sanction] emprunte
la voie de la responsabilité civile (dommages-intérêts punitifs) ou qu'elle soit autonome (amende
civile) ». Telle semble aussi avoir été la position de M. GARIAZZO, ancien premier avocat général
près la Cour de cassation. Le rapport d'information de MM. ANZIANI et BETEILLE (A. Anziani
et L. Béteille, Rapport d'information du groupe de travail relatif à la responsabilité civile, op. cit., p. 86)
indiquait ainsi : « M. André Gariazzo, premier avocat général à la Cour de cassation, s'est interrogé
sur l'opportunité et l'efficacité d'une mesure de ce type, soulignant que la responsabilité civile
s'inscrivait dans le cadre de litiges de droit privé présentant un caractère indemnitaire, et que si
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