Bibliothèque de droit privé - Tome 616 - Droit de la propriété intellectuelle et matière pénale - 91

UN DROIT PÉNAL SPÉCIALEMENT ÉLABORÉ POUR LE DPI
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l'accès impossible205
. Ces conditions d'exonération de responsabilité ne sont pas
applicables lorsque l'utilisateur a agi sous leur autorité ou leur contrôle. La lecture
a contrario de l'article 6-I-3 permet alors de connaître les conditions dans
lesquelles la responsabilité pénale peut être engagée. Si ces conditions, notamment
celle relative au caractère intentionnel, siéent parfaitement au droit pénal, la
symétrie créée par le législateur a été déplorée par la doctrine civiliste. En effet,
nombreux sont les auteurs qui se sont insurgés contre l'engagement de la responsabilité
civile pour faute, « à rebours de l'évolution de la responsabilité depuis plus
de deux siècles »206
. À l'aune du développement de la responsabilité sans faute, ce
régime apparaît fortement favorable aux intermédiaires techniques. Toutefois, à
travers le prisme du droit pénal de la propriété intellectuelle, ce régime est conforme
à ceux appliqués aux fournisseurs de moyens de contrefaçon ou autres délits assimilés.
Les incriminations de fourniture de moyens sont toutes intentionnelles207
.
132. La recherche d'une peine - Étonnamment, la disposition fondant l'engagement
de la responsabilité pénale des intermédiaires techniques ne prévoit
aucune peine ; or le stockage et la transmission à un service de communication au
public en ligne ne correspondent à aucun acte incriminé par les articles L. 335-2,
L. 335-3 et L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle. À défaut de peine
encourue, cette disposition pénale est dépourvue d'effectivité. Cependant, le stockage
d'un contenu en connaissance de son caractère litigieux et le fait de ne pas
avoir agi promptement pour le rendre inaccessible peuvent être qualifiés de recel.
La dématérialisation de la notion de chose, objet du recel, permet de considérer
que l'hébergeur détient, voire transmet, le contenu au service de communication
en sachant qu'il provient d'un délit208
. Le recel-profit peut aussi être caractérisé,
puisqu'il bénéficie, en connaissance de cause, du produit d'un délit. L'ineffectivité
de l'article 6-I-3 de la loi pour la confiance en l'économie numérique pourra donc
être corrigée par l'engagement de la responsabilité de ces intermédiaires techniques
sur le fondement du recel209
.
133. L'interprétation large de la notion d'hébergeur en faveur de l'extension
de leur régime de responsabilité - La définition de l'hébergeur fait l'objet d'une
interprétation extensive par les juridictions civiles et par la Cour de justice de
l'Union européenne. En effet, bien que la loi transposition ait été adoptée quatre
ans après la directive, celle-ci comme celle-là se sont rapidement révélées insuffisantes.
Les définitions des fonctions des différents intermédiaires techniques
correspondent au web 1.0 ; or au début des années 2000, il était déjà progressivement
remplacé par le web 2.0, marqué par le décloisonnement des services fournis
par les intermédiaires techniques. Si, aux prémices de l'Internet, un hébergeur
avait une activité de stockage de contenus, qui n'étaient diffusés au public que
205. L'article 6-I-5 énonce les conditions qui permettent de présumer la connaissance du
caractère litigieux du contenu stocké.
206. P. Sirinelli, « Le cadre juridique applicable à la protection des contenus en ligne et au « peer
to peer » », in Livre Blanc sur le « Peer-to-Peer », SNEP, Paris, 25 oct. 2007, p. 130.
207. Voir supra n° 65.
208. Sur l'évolution des éléments matériels du recel, voir infra n° 275 et s.
209. Depuis la transposition de la directive (UE) 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur
et les droits voisins dans le marché unique numérique par l'ordonnance n° 2021-580 du 12 mai 2021,
les fournisseurs de services de partage de contenus en ligne sont, en principe, responsables civilement
et pénalement des actes d'exploitation non autorisés de contenus protégés, sur le fondement du code
de la propriété intellectuelle. Cette analyse ne s'applique donc qu'aux intermédiaires techniques encore
soumis à la LCEN.

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