Bibliothèque de droit social - Tome 82 - Marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre - 221

L'INEFFICACITÉ QUALIFICATIVE
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remise serait, non pas les salariés prêtés, mais la valeur du travail fourni229
. Ce détournement résulterait de l'utilisation de
la main-d'œuvre remise pour un usage autre ou contraire à l'affectation prévue231
que
l'utilisateur détournerait à son seul profit - peu important que le projet initial ait
été une malhonnêteté commune230
;
par exemple pour des tâches dépassant le strict cadre du contrat de mise à disposition.
La jurisprudence estime qu'il y a détournement lorsque l'utilisateur du
bien manifeste la volonté de se comporter, même momentanément, en véritable
propriétaire232
. En cas de mise à disposition, pareil détournement serait constitué
dès lors que l'utilisateur se comporterait comme le réel propriétaire de la force de
travail, c'est-à-dire comme le réel employeur de la main-d'œuvre. La remise paraît
bien volontaire et précaire puisque le prêteur consent à mettre à disposition sa
main-d'œuvre pour une mission ou une durée déterminée. Son préjudice résulterait
alors de la perte patrimoniale subie, en particulier du manque à gagner résultant
de l'impossibilité temporaire d'exercer ses droits sur sa main-d'œuvre par
suite des agissements frauduleux de l'utilisateur233
.
332. L'absence de condamnation de l'utilisateur au titre d'un abus de
confiance né du détournement de la main-d'œuvre prêtée ne saurait s'expliquer
par les seuls défauts de constats ou de procédures simultanées. En effet, il est de
notoriété publique que le travail réellement fourni aux intérimaires ne correspond
pas toujours à celui pour lequel ils ont été embauchés, sans pour autant que l'utilisateur
soit inquiété au titre de l'abus de confiance. L'explication est certainement
multiple. Les difficultés inhérentes à l'interprétation de l'infraction s'appliquent
puisque la chose objet de la remise est la main-d'œuvre234
. De plus, le prêteur se
retrouve dans une improbable position de victime alors qu'en tant que professionnel
il aurait dû tout mettre en œuvre pour empêcher le détournement de sa force
de travail. En outre, la remise volontaire nécessaire à la caractérisation de l'abus
de confiance pourrait être débattue en cas de prêt entre deux sociétés d'un même
groupe ; le prêteur n'ayant alors pas toujours la faculté de refuser. Enfin, et
229. Crim., 19 juin 2013, n° 12-83.031, Bull. Crim., n° 145 ; RJS 2013, n° 654 ; D. 2013, p. 1936,
note G. Beaussonie, Un pas de plus vers la dématérialisation de l'abus de confiance : la sanction d'un
détournement du temps de travail ; JCP G 2013, p. 933, note S. Détraz, Abus de confiance et utilisation
frauduleuse du temps de travail par un salarié ; Droit pénal 2013, comm. 158, M. Véron, Un aspect de
la dématérialisation : utilisation frauduleuse de son temps de travail ; RSC 2013, p. 813, note
H. Matsopoulou, Abus de confiance : les « dérives jurisprudentielles » ; RDT 2013, p. 767, note
V. Malabat, La sanction pénale du détournement de son temps de travail par un salarié : détournement
de l'abus de confiance ? ; L. Saenko, Abus de confiance par détournement du temps de travail du salarié,
Droit Social 2013, p. 1008.
V. contra : Crim., 20 octobre 2004, n° 03-86.201, Bull. Crim. 248 ; Crim., 13 septembre 2006,
n° 05-84.111, Bull. Crim., n° 220.
230. Crim., 15 décembre 2004, n° 03-86.646, Bull. Crim., n° 320.
231. Crim., 30 juin 2010, n° 10-81.182, Bull. Crim., n° 121, D. 2010, p. 2820, note J. LasserreCapedeville,
Nouvelles précisions sur le délit d'abus de confiance (fonds du comité d'entreprise utilisés
pour soutenir la grève de personnels étrangers à l'entreprise ou dans des conditions autres que celles
prévues).
232. Crim., 16 juin 2011, n° 10-83.758 : « l'usage abusif de la chose confiée est exclusif de tout
détournement s'il n'implique pas la volonté du possesseur de se comporter, même momentanément,
comme le propriétaire de la chose » (Droit pénal 2011, n° 116, obs. M. Véron ; RSC 2011, p. 832,
obs. H. Matsopoulou).
233. Crim., 12 juin 1978, n° 76-91.932, Bull. Crim., n° 188 : « un détournement existe dès lors que
le propriétaire de la chose confiée ne peut plus exercer ses droits sur elle ».
234. V. not. M-L. Rassat, Droit pénal spécial, Précis Dalloz, 7e
éd., 2014, p. 207-209, n° 176 et
p. 216-218, n° 183 ; Crim., 16 octobre 2013, n° 12-86.241, Revue pénitentiaire 2014, 86, obs. V. Malabat.
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