Bibliothèque de droit social - Tome 82 - Marchandage et prêt illicite de main-d'oeuvre - 67

L'ILLISIBILITÉ ENDOGèNE
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rentrer dans le champ de l'exception récemment posée à l'article L.8241-3 du
Code du travail. Le prêteur est confronté à une impasse, un Catch 22132
.
64. En voulant contrecarrer la jurisprudence John Deere, le législateur a
semé un doute supplémentaire imposant au juge - auquel il semblait s'opposer
- de préciser les contours de l'opération à but non-lucratif à la lumière de la nouvelle
définition posée. Paradoxalement, si la situation semble encadrée pour le
prêteur respectant à la lettre la facturation imposée par le texte, il n'en est pas de
même pour l'utilisateur qui, en dépit de sa bonne foi, pourrait - en fonction de la
lecture faite du texte - tomber sous le coup de l'interdiction.
65. la protection relative de l'utilisateur. La sécurisation des parcours professionnels
par la mise à disposition n'est envisageable que si les deux parties
bénéficient d'une réelle protection. Le paiement des coûts directs appauvrit l'utilisateur,
mais ne suffit pas à détruire le but lucratif133
permet à l'utilisateur de réaliser au pire une économie au mieux un gain134
. En effet, ce paiement limité
. Ainsi,
pour garantir l'opération et protéger l'utilisateur, l'exception présente au dernier
alinéa de l'article L.8241-1 doit être entendue comme portant sur l'opération dans
son ensemble, indépendamment de toute analyse ou appréciation d'un but lucratif
généré par ladite opération vis-à-vis de l'entreprise utilisatrice. L'utilisateur
bénéficierait ainsi d'une forme d'irresponsabilité d'emprunt. La recherche du but
lucratif à l'égard de l'entreprise utilisatrice serait vaine et sa constatation inopérante
à engager sa responsabilité pénale. La situation de l'utilisateur, à l'inverse du
prêteur, serait ainsi hermétique à l'esprit du texte.
66. Cette irresponsabilité d'emprunt est dangereuse. D'abord parce que son
existence est débattue. Le dernier alinéa de l'article L.8241-1 du Code du travail
ne protégerait que le prêteur et il appartiendrait à l'utilisateur de démontrer que
l'opération n'est pas, à son égard, à but lucratif135
. Ensuite, parce que l'utilisateur
n'a pas la maîtrise du comportement du prêteur. Sans s'immiscer dans la gestion
de l'entreprise prêteuse, ou risquer de voir sa relation avec les salariés prêtés
requalifiée en contrat de travail par un contrôle trop important, l'utilisateur ne
dispose pas des moyens nécessaires pour s'assurer que la mise à disposition convenue
est bien à but non-lucratif. Certes, l'article L.8241-2 du Code du travail
impose que la convention de mise à disposition signée entre les deux parties définisse
« le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels
qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse ».
Mais la violation de son engagement par le prêteur est un manquement commercial
et ne saurait écarter la responsabilité pénale de l'utilisateur. L'exonération de
132. Terme forgé par l'écrivain Joseph Heller dans son roman Catch 22 (publié en 1961). Un
Catch 22 est une situation paradoxale dont un individu ne peut s'extraire du fait de règles antagonistes.
Dans le cadre du roman, l'article 22 du règlement intérieur de la base militaire prévoit que « Quiconque
veut se faire dispenser d'aller au feu n'est pas réellement fou ». Or, naturellement, seuls les fous peuvent
être dispensés d'aller au combat.
133. C'est ce qui était reproché à la société John Deere Crédit dans l'arrêt John Deere et c'est la
raison même de l'insertion du dernier alinéa de l'article L.8241-1 du Code du travail.
134. Sur la différence entre ce qu'il en a coûté à l'utilisateur de recourir à la main-d'œuvre
extérieure et ce qui lui en aurait coûté s'il avait eu recours à de la main-d'œuvre en interne ou à une des
formes de prêt de main-d'œuvre à but lucratif légalement autorisées (travail temporaire, etc.) ; sans
compter l'éventuel gain différé sur la vente du produit final.
135. V. À ce titre la différence de rédaction entre l'article L.8241-1 et L.8241-3 du Code du
travail. Ce dernier précisant expressément que l'opération n'a pas de but lucratif pour les entreprises
utilisatrices.
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