Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 76 - La responsabilité juridique à l'épreuve de la gestion - 118

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LA RESPONSABILITÉ JURIDIQUE À L'ÉPREUVE DE LA GESTION
certaines exceptions85, les personnes qui s'immiscent sans titre dans la procédure
comptable publique sont considérées comme comptables de fait86. La procédure de
gestion de fait, à la différence de ce qui a été évoqué à propos de la Cour de discipline
budgétaire et financière, vise toutes les catégories d'ordonnateurs sans distinction : les
élus locaux et les ministres peuvent être comptables de fait, par exemple pour avoir
« connu et toléré » des irrégularités87. Cette qualification « vise non seulement les
ordonnateurs qui n'ont pas respecté le principe de séparation mais aussi toute personne
privée, physique ou morale, qui détient ou manie sans titre des fonds
publics »88. Et, comme le résume bien Christian Descheemaeker, la gestion de fait
désigne ainsi la procédure par laquelle le juge des comptes tire les conséquences de
cette « irrégularité »89.
226. La gestion de fait, « compétence exceptionnelle d'ordre public du juge des
comptes »90, est la seule procédure qui permet aux chambres régionales des comptes
d'avoir une compétence juridictionnelle à l'égard des ordonnateurs locaux conformément
aux dispositions de l'article L. 231-5 du CJF. Il s'agit d'une exception à la règle
selon laquelle les chambres régionales des comptes n'ont pas compétence sur les
ordonnateurs91.
227. D'origine ancienne92, la notion de gestion de fait avait été réintroduite dans
le droit public financier par l'arrêt de la Cour des comptes du 23 août 1834, « Ville
85. Les régies d'avances ou de recettes, par lesquelles un ordonnateur peut procéder à paiement ou à
encaissement d'une somme sans faire appel au comptable, constituent une exception classique à cette règle.
86. OUDIN J., Rapport d'information au nom de la Commission desfinances, Chambres régionales
des comptes et élus locaux : un dialogue indispensable au service de la démocratie locale, nº 520, Sénat,
1997.
87. Cour des comptes, 16 octobre 1986, 11juillet 1990, 30 septembre 1992, Chalier, Nucci, Association
Carrefour du développement et autres, min. coop., Rev. Trésor 1993, p. 218. Statuant en cassation, le
Conseil d'État a jugé que la compétence spéciale de la Haute cour de justice ne faisait pas obstacle à ce que
la Cour des comptes déclare un membre du gouvernement comptable de fait en raison d'actes commis dans
l'exercice de ses fonctions (CE, 6janvier 1995, Nucci, req. nº 93428).
88. La gestion de fait ne se limite pas à la catégorie d'ordonnateur : 1º « Toute personne visée à l'article
L. 312-1 qui aura engagé une dépense sans respecter les règles applicables en matière de contrôle
financier portant sur l'engagement des dépenses sera passible d'une amende (...) » (article 313-1 CJF) ;
2º« Toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, pour dissimuler un dépassement de crédit, aura imputé
oufait imputer irrégulièrement une dépense sera passible de l'amende (...) » (article 313-2 CJF) ; 3º « Toute
personne visée à l'article L. 312-1 qui, (...), aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et
des dépenses de l'État ou des collectivités (...) sera passible de l'amende (...) ». « Lorsque les faits incriminés
constituent une gestion occulte au sens du paragrapheXI de l'article 60 de la loi definances initiale
pour 1963, la Cour des comptes peut déférer à la Cour de discipline budgétaire et financière les comptables
defait quand leurs agissements ont entraîné des infractions prévues au présent titre » (article L. 313-4
CJF) ; 4º « La chambre régionale des comptes juge les comptes que lui rendent les personnes qu'elle a
déclarées comptables de fait. Elle n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf ceux qu'elle a déclarés
comptables de fait. Les personnes que la chambre régionale des comptes a déclarées comptables de fait
sont tenues de lui produire leurs comptes dans le délai qu'elle leur impartit » (article L. 231-3 CJF).
89. DESCHEEMAEKER C., Gestion de fait, JurisClasseur Administratif, Fasc. nº 1265, 2015.
90. GROPER N., La responsabilité des gestionnaires publics devant lejugefinancier, op. cit., p. 459.
91. Ibid.
92. L'ordonnance royale sur la Chambre des comptes de 1319 interdisait à tous autres qu'aux « receveurs
à ce établis » de recevoir les deniers royaux. De même, l'Édit de Saint-Germain de 1663 faisait
« défense à toutes sortes de personnes de s'immiscer en la recette et maniement de nos deniers sans nos
lettres de provision ou commissions registrées en nos chambres de comptes ». Une déclaration du 18 mars
1738 soumettait à la même responsabilité que les comptables « tous ceux qui auraient effectué le maniement
des deniers royaux à quelque titre que ce soit ». Références données par : Sénat, Les chambres régionales
des comptes, Rapport d'information nº 520, 1998.

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