Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 127

L'IMPOSSIBLE RÉDUCTION DU DROIT DU TRAVAIL AUX VALEURS MARCHANDES
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176. Prétendre articuler les droits assurant la reconnaissance de la sphère marchande
et non marchande appelle donc un travail d'identification de ces points de
contact. À ce propos, avec Bruno Oppetit, il est possible d'affirmer que dans le but
de regrouper les règles qui sont l'émanation des valeurs non marchandes, il convient
d'isoler celles qui ont un caractère prohibitif ou restrictif et, qui sont destinées
explicitement à assurer le respect de valeurs situées à un niveau supérieur d'universalité
et de permanence. L'observation conduit alors à identifier une récurrence à
l'échelle mondiale, pour certaines d'entre elles, entrant en conflit avec le droit international
économique et susceptible de caractériser des valeurs non marchandes
prises en compte par le droit. Ce dernier propose de les ranger alors dans trois
catégories : la protection du vivant et de la personne, la préservation de l'éthique et
de l'intérêt général et enfin, la sauvegarde du patrimoine culturel et naturel. Il ressort
de la typologie proposée par Bruno Oppetit que l'environnement, si on le rattache
au patrimoine naturel et au vivant et, le travail si on le rapporte à la protection
de la personne, peuvent être compris comme des valeurs non marchandes positionnées
à ce fameux niveau supérieur d'universalité et de permanence. Pour autant,
même par cette opération de classification qui permet de voir dans le travail humain
une valeur non marchande, que le droit reconnaîtrait de manière générale comme
devant faire l'objet d'une protection, la question du régime juridique qui découle de
cette reconnaissance, n'est pas épuisée.
177. Au contraire, comme l'auteur le soulève lui-même, malgré le caractère
absolu et intangible qui peut ressortir de ces valeurs, elles tolèrent pourtant une
certaine marge de relativité dans leur confrontation avec les intérêts du commerce
international14
. Celle-ci va se traduire en pratique par l'influence du marchand sur
. Dans ces conditions, la
le non-marchand, et réciproquement de préoccupations non-marchandes dont les
acteurs économiques sont peu à peu appelés à se soucier15
négociation des clauses sociales apparaît comme un possible vecteur de la reconnaissance
du caractère non marchand du travail humain, par l'articulation qu'elles
permettent entre le droit du travail et le droit international économique. Du reste,
ces dernières peuvent jouer un rôle double. D'une part, elles sont susceptibles
d'être un facteur de protection contre l'avancée toujours plus importante de la
logique marchande sur le non-marchand. D'autre part, elles sont à même d'opérer
comme outil d'inclusion du non-marchand dans les relations marchandes
encadrées par le droit international économique. Cette tâche s'avère pour autant
mal aisée, car elle se présente comme un lien entre deux branches du droit, mais
également entre deux conceptions antinomiques exprimées par le droit et qu'il
faut tenter d'accorder.
178. De ce point de vue, le droit du travail, pour garantir un ensemble de
droits à l'individu suppose de restreindre la liberté d'entreprendre et les conditions
de recours à la main-d'œuvre. Or, les clauses sociales aujourd'hui ne vont
pas jusqu'à expliciter les bornes qu'il convient de poser à l'activité économique.
Une tentation pourrait alors s'exercer de chercher dans le droit international
14. Sur l'ensemble de cette analyse, voir B. OPPETIT « Droit du commerce international et
valeurs non marchandes » in C. DOMINICIÉ, R. PATRY, C. REYMOND (dir.) Études de droit
international en l'honneur de Pierre Lalive ed. Helbing & Lichtenhahn 1993, pp. 311-312 ; voir encore
du même auteur Philosophie du droit Précis Dalloz 1999 n°130 p. 137.
15. S. DUBUISSON-QUELLIER, « Les engagements et les attentes des consommateurs au
regard des nouveaux modes de consommation : des opportunités pour l'économie circulaire » Annales
des Mines - Responsabilité et environnement, n° 76, vol. 4, 2014, pp. 28-32.

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