Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 227

LE RISQUE D'UN DÉTOURNEMENT DU DROIT DU TRAVAIL
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352. A contrario, l'investissement étranger met aux prises, certes, une entreprise
et un État, mais ce dernier est confronté à une mise en balance de son droit
à réglementer au nom d'un corpus de règles et de méthodes d'interprétation139
pour lesquels ses nationaux n'ont exprimé aucun assentiment. Naturellement
ces mécanismes protecteurs sont venus en réponse à la crainte de voir un changement
de régime déboucher sur des nationalisations140
et de nature à décourager
la venue des capitaux étrangers. Mais cette distorsion entre les prérogatives
étatiques et les droits de propriété des entreprises, pour une nation, représente
une analogie potentiellement néfaste pour la prise en compte, en premier lieu,
des valeurs non marchandes. Il apparaît notamment que les préférences collectives
des nationaux que l'État argentin représentait par l'adoption de mesures
en période de crise, dans les affaires évoquées inclinaient vers des mesures d'urgence
sanitaire et environnementale. Il est de ce point de vue discutable qu'elles
puissent être directement confrontées, et mises sur un pied d'égalité, avec les
intérêts d'entreprises multinationales sans bénéficier d'une prise en compte plus
importante141
. Si une crise économique n'a pas suffi à justifier une prise en
compte renforcée du droit des états à réglementer certains domaines relevant de
la sphère non-marchande, il est remarquable qu'un tel effet ait également été nié
aux crises politiques.
353. L'affaire Foresti et autres contre Afrique du Sud qui s'appuyait sur
l'existence de traités bilatéraux d'investissement la liant avec l'Italie et l'Union
économique belgo-luxembourgeoise souligne la mise à l'écart du contexte
politique présidant à l'adoption d'une loi142
. À l'occasion de cette dernière, des
entreprises transnationales ont allégué que l'Afrique du Sud avait manqué aux
obligations qui lui incombaient en vertu des traités d'investissement, par la promulgation
de mesures nationalisant la propriété des ressources minières pour
ensuite mettre en place un système de licences d'exploitation. Or, ce système
imposait que 26 % ou plus de la société qui souhaitait exploiter le minerai soient
détenus par des Sud-Africains noirs, au regard de leur préjudice historique dans
l'accès aux richesses tirées de cette industrie. La loi incitait donc à une meilleure
prise en compte dans le recrutement et l'emploi de Sud-Africains noirs dans les
postes de direction143
. Cette affaire ayant fait l'objet d'une transaction en dehors
de la procédure arbitrale, le panel n'a pas été amené à trancher. Il est toutefois
remarquable que l'État ait préféré accorder des droits d'exploitation aux parties,
bien qu'elles ne satisfassent pas aux règles imposées en faveur de l'insertion professionnelle
et économique des Sud-Africains noirs et malgré sa ligne de défense
139. Voir le cours donné à la Haye par R. HIGGINS, « The taking of property by the States.
Recent developments in international law », RCADI, vol. 176, 1982 et également B. STERN, « In
search of the frontiers of indirect expropriation. Contemporary views in international arbitration and
médiation » The Fordham papers 2007, Martinus Nijhoff, pp. 29-52.
140. Pour une réflexion d'ensemble, voir G. FOUILLOUX, La nationalisation et le droit
international public, 1962, LGDJ 477p.
141. Cette confrontation et par suite l'équivalence des intérêts en cause ressort d'ailleurs
explicitement de la décision rendue par les arbitres dans une affaire Glamis Gold Ltd contre les ÉtatsUnis
qui portait sur le droit des peuples indigènes et des considérations environnementales et dans
laquelle ces derniers ont reconnu l'existence d'une tension avec le droit de propriété des investisseurs.
Glamis Gold, Ltd. v. United States, Final Award NAFTA Arb. Trib. 2009 §8.
142. Foresti v. South Africa Piero Foresti, Laura de Carli and others v. Republic of South Africa
(ICSID Case No. ARB(AF)/07/1).
143. Republic of South Africa Mineral and Petroleum Resources Development Act, 2002.

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