Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 322

308
LES CLAUSES SOCIALES
principe qui tienne dûment compte des deux considérations. (...) ce principe est celui
du développement durable et, selon moi, il fait partie intégrante du droit international
moderne »15
. Le choix de qualifier le développement durable comme principe de
droit international semble d'autant plus convaincant qu'il repose sur un souci
d'opérationnalité juridique. Le Vice-Président développe en effet un argumentaire
où affleure le souci d'assurer, par un instrument juridique, une question au croisement
d'enjeux environnementaux et économiques d'importance comparable.
Néanmoins, le raisonnement part du constat de ce qui semble être une opposition,
à ses yeux, entre un principe de droit international qui disposerait d'une valeur
normative et, un concept qui en serait en revanche dépourvu. Or, il est possible de
ne pas appréhender le développement durable comme un principe du droit international,
sans renoncer à lui attribuer une normativité juridique.
550. En vue de surmonter le débat entre concept et principe il est possible
d'admettre, avec Michel Virally, qu'un concept en droit international dispose
d'une portée juridique, mais qu'il conviendrait de la distinguer de celle d'un principe.
Ce dernier affirme ainsi que le concept représente « la forme la plus abstraite
qu'un principe juridique puisse revêtir, puisqu'elle élimine toute allusion aux circonstances
concrètes dans lesquelles elle peut avoir à s'appliquer »16
. Du reste, la qualification
du développement durable comme un concept juridique susceptible de
permettre la détermination des obligations contenues dans d'autres normes,
apparaît également sous la plume de Pierre-Marie Dupuy. Ce dernier l'évoque
ainsi, non comme un principe univoque, mais comme une matrice conceptuelle.
De cette dernière il serait alors possible, selon l'auteur, d'établir la perspective
dans laquelle les principes déjà établis de bonne gestion de l'environnement
doivent être resitués17
. La vision de Pierre-Marie Dupuy circonscrit le développement
durable à sa dimension conceptuelle en matière d'environnement, tout en
soulignant son potentiel de mobilisation juridique. Dans une perspective actuelle
et, postérieure au rééquilibrage social du concept, suite au sommet de Johannesburg,
elle peut aujourd'hui être utilement prolongée. C'est donc la portée des obligations
dans cet autre domaine, le social, qui doivent également être pensées en
fonction du développement durable comme creuset initial. Comme vu précédemment,
celui-ci s'illustre pareillement dans le droit international du travail et de
l'environnement, particulièrement en s'appuyant sur les principes reconnus dans
ces branches. Dans ces conditions, il devient possible de dresser une nouvelle perspective
en recourant au développement durable comme matrice conceptuelle traitant
de la bonne gestion de l'environnement et de l'homme au travail.
551. Néanmoins, afin que le développement durable ne devienne pas une
il convient de s'attacher, pour lui assurer un effet utile, à idenformule
magique18
tifier celles de ces caractéristiques susceptibles de faire l'objet d'une reconnaissance
juridique et d'affecter l'interprétation d'autres normes. S'agissant donc de
15. CIJ Projet Gabcikovo-Nagymaros Hongrie c./ Slovaquie, 25 septembre 1997, opinion
individuelle du Vice-Président Weeramantry.
16. M. VIRALLY, Le rôle des « principes » dans le développement du droit international : Recueil
d'études de droit international en hommage à Paul Guggenheim, 1968, Genève, Tribune, p. 534.
17. P.-M. DUPUY, « Où en est le droit international de l'environnement à la fin du siècle ? »
RGDIP 1997, p. 886.
18. G. CORCELLE, « 20 ans après Stockholm : la Conférence des Nations unies de Rio de
Janeiro sur l'environnement et le développement : point de départ ou aboutissement ? » RMCUE
février 1993, n° 365, p. 109.

Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales