Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 335

L'AMPLIFICATION DU DROIT DU TRAVAIL
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575. L'avantage économique négocié et obtenu par l'État pour les entreprises
développant une activité sur son sol, sous la forme de chaîne de valeur pourrait
être, par exemple, conditionné à l'exigence du respect du droit de l'environnement
et du travail. Comme le rappelle M. Alain Supiot, il s'agirait de donner une plus
grande portée juridique à l'adage ubi emolumentum ibi onus, où est le profit doit
être la charge61
. L'activité des entreprises transnationales saisies dans ce cadre
conduirait à rechercher la responsabilité des conséquences dommageables de
manière renouvelée. Les pays signataires d'une norme de droit international économique
pourraient ainsi suspendre l'avantage économique consenti non pas au
seul opérateur économique qui le réalise, mais également à l'égard de celui qui
contrôle et tire profit de son activité. Il pourrait également s'attacher à rechercher
la responsabilité des deux entités, au regard des dommages causés à l'environnement
ou aux travailleurs de manière équilibrée au regard de l'influence économique
exercée par l'entreprise transnationale. Une dynamique comme celle à
l'œuvre en matière de devoir de vigilance62
pourrait être utilement mobilisée
comme base pour renforcer des clauses sociétales.
576. Du reste, même si une imputation de responsabilité était envisageable,
s'ouvre la question du concours efficace de l'État pour poursuivre les violations des
entreprises transnationales. Or, à défaut d'une mise en balance pour ce dernier de la
perte d'un avantage économique auquel pourrait le contraindre une clause sociétale
adossée à un accord de commerce ou d'investissement conséquent, les pays risquent
de demeurer réfractaires. Dans ces conditions les clauses tirées du développement
durable pourraient permettre de lutter durablement et de manière unifiée contre la
violation de ces deux piliers. Or la modulation des avantages économiques offerte aux
entreprises transnationales, tant en matière d'investissement que de commerce représente
une piste à la portée à la fois des nations développées et en développement.
B. L'ÉTAT GARANT DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES
TRANSNATIONALES
577. L'instauration de standards minimaux en matière sociale et environnementale
accompagnés d'un contrôle plus strict à l'égard des entreprises transnationales
est un objectif pertinent à assigner à l'implantation de clauses sociétales.
Toutefois, leur négociation repose également sur la capacité de l'État à se saisir
des activités transnationales par le biais du droit international économique, à un
niveau bilatéral ou plurilatéral. Or, il apparaît précisément qu'au moins deux
aspects de cette branche reposent sur le traitement dérogatoire que l'État consent
aux entreprises étrangères. Le statut d'opérateur économique étranger pour les
entreprises transnationales se décompose en effet en deux régimes, dont il est permis
d'envisager que l'État se désengage ou à tout le moins apporte une modulation
pour inclure des clauses sociétales.
61. A. SUPIOT, « introduction » in A. SUPIOT, M. DELMAS-MARTY Prendre la
responsabilité au sérieux, PUF, 2015, p. 19. L'auteur appuie son analyse et cite également
C. DEL CONT, Propriété économique dépendance et responsabilité l'Harmattan 1997, 400p.
62. Voir sur les évolutions récentes et l'imbrication des logiques de soft et de hard law
M.-A. MOREAU « L'originalité de la loi française du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance
dans les chaînes d'approvisionnement mondiales » Droit social 2017, p. 792 ; C. BRIGHT « Le devoir
de diligence de la société mère dans la jurisprudence anglaise » Drt soc. 2017, p. 828 ; R. DE
QUENAUDON « Le développement durable, la RSE et le droit ou la rencontre de trois ordres
imaginaires » archive ouverte hal-01322694, 2016, p. 15 et s.

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