Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 41

INTRODUCTION
27
États, face aux droits des investisseurs étrangers, s'étend aujourd'hui au droit
du travail151
. Ainsi, l'existence de plusieurs affaires portées devant des arbitres
internationaux relevant de l'encadrement des travailleurs, conduit à renouveler
la question de l'absence ou de l'insuffisance des engagements pris en matière de
droit du travail dans ce domaine152
.
38. Partant, l'examen des clauses sociales gagne à être inséré dans une
approche des rapports de branches et donc au-delà de la seule étude du mécanisme
pour lui-même. En envisageant les clauses sociales, non plus comme un
type de clauses présent dans certaines normes de commerce international, mais
comme un outil visant à organiser les connexions entre deux ensembles de règles,
elles se positionnent comme une clé de compréhension. À l'image de tout choix
afin d'aborder une recherche, il conduit à adopter une démarche singulière. Ici,
penser les clauses sociales dans les relations entre droit international économique
et droit du travail nous conduit à interroger leur raison d'être. Sans prendre pour
acquis leur avènement ni leur nécessité, notre réflexion suppose d'établir si des
jonctions supplémentaires ou différentes sont possibles. Appréhender les clauses
sociales dans ces rapports de branches, invite également à questionner la volonté
de ceux qui en sont à l'origine, les États. Les clauses sociales se présentent comme
l'expression d'un choix conscient pour a minima un État et a maxima un regroupement
mondial d'États, d'acter un lien entre deux corpus de règles. Au regard de
l'autonomie qui existe dans la réglementation de l'économie et du travail humain,
la question de l'existence des clauses sociales et le cas échéant de leur évolution,
ne fait pas figure d'évidence.
39. À plus forte raison qu'elle se présente aujourd'hui dans une étape de la
mondialisation qui a été largement façonnée et impulsée par le droit international
économique. Les entreprises opérant au niveau mondial voient ainsi la protection
de leur investissement à l'étranger profiter d'un accompagnement juridique sans
précédent à l'échelle planétaire. De même, la taxation et les restrictions dans la
circulation des marchandises ont atteint des niveaux particulièrement bas. Ces
conditions, voulues et négociées par les pays ont déjà permis de pérenniser le
modèle des chaînes de valeur mondiales. Le développement de mécanisme d'aide
au développement, dans le droit international économique, a également été pensé
comme une forme de correctif à l'inégale répartition de la croissance économique.
Dans ces trois domaines, les acteurs privés sont les bénéficiaires de ces négociations
internationales et sont invités à emprunter ces routes tracées à leur intention.
A contrario, la faible prise en compte des opérations économiques transnationales
dans l'articulation des niveaux nationaux, régionaux et multilatéraux en matière
de droit du travail, peut s'interpréter comme une volonté des nations de ne pas
développer la même concordance. La mise en parallèle de ces deux dynamiques
contraires pourrait conduire à discréditer l'idée même d'un rapprochement de ces
deux branches, par le jeu de l'adoption de nouvelles clauses sociales. Pour autant
les récents partenariats économiques méga régionaux ont témoigné du souhait
actuel des nations d'intégrer des clauses sociales. Leur persistance permet de
constater la volonté de certains pays de nouer et de maintenir des rapports entre
le droit international économique et le droit du travail.
151. A. BENCHENEB « Le droit européen des investissements et le devenir du traitement juste
et équitable », RIDE, vol. T. xxx, n° 1, 2016, pp. 91-106.
152. Voir le Chapitre 1 du Titre I de la Partie II de cette étude.

Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales