Bibliothèque de droit social - Tome 83 - Les clauses sociales - 97

LA MOBILISATION DISPARATE DU DROIT DU TRAVAIL
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la tentation de certains pays, non pas de déroger, mais de dégrader a posteriori et
de manière générale leur droit du travail pour s'assurer une plus grande attractivité.
Dans cette perspective, l'engagement va donc se concentrer sur l'absence de
réduction une fois l'avantage économique obtenu, d'une ou plusieurs règles de
droit du travail. S'il est essentiel en vue de lutter contre la tentation du moinsdisant
social de poser ce type d'engagement, il convient d'en relativiser la portée.
En effet, outre le manque de clarté qui accompagne le plus souvent leur rédaction,
les clauses de ce type sont complétées par une condition de fond particulièrement
problématique. En l'occurrence, n'est envisagé comme contrevenant aux engagements
tirés de la clause, que le pays qui non seulement réduit les protections
garanties par son droit du travail, mais encore le fait afin d'affecter le commerce
et l'investissement à son avantage. Or, cela représente une première difficulté qui
tient à la capacité d'un des signataires d'une clause, à établir de manière certaine
le lien entre la dérogation offerte aux entreprises sur son sol en matière sociale et,
une modulation des flux économiques48
.
125. Une seconde difficulté pratique, présentée par de telles clauses touche
non plus à la causalité, mais à la finalité de l'abaissement du droit du travail poursuivi
par un pays. Dans une lecture restrictive, elles ne seraient applicables que si
l'abaissement des normes avait pour but « d'affecter » le commerce entre les parties
ou de promouvoir l'investissement étranger. Or les normes de droit international
économique qui ont adopté ce type de rédaction n'apportent pas d'éclairage
sur la façon idoine de déterminer les effets commerciaux du non-respect ou
de l'application des normes du travail. Cependant, un élément de réponse a été
apporté par le biais d'un groupe spécial arbitral établi dans le cadre d'un différend
entre les États-Unis et le Guatemala. L'affaire concernait l'allégation de violation
des dispositions de l'Accord de libre-échange entre la République dominicaine,
l'Amérique centrale et les États-Unis. Dans ce cadre, les arbitres ont décidé que
« les lois, par le biais d'une action ou d'une inaction soutenue ou récurrente,
« affectent le commerce entre les Parties » si elles confèrent un avantage concurrentiel
à un employeur ou à des employeurs engagés dans le commerce »49
. Il faut saluer,
dans la perspective d'octroyer un effet utile aux clauses sociales, le choix de définition
retenu. Ici, une interprétation large de l'expression « affectant le commerce
» a en effet été privilégiée. Les arbitres auraient pu se borner à constater
que la non-application d'une ou plusieurs règles de droit du travail, ne peut être
comprise comme affectant le commerce qu'à condition de modifier les prix à l'exportation
de certains produits ou services. A contrario, le panel a vu que la nonapplication
des lois du travail nationales, dès lors qu'elles impactent un nombre
substantiel de travailleurs pendant une période de temps significative, pouvait
être un critère suffisant pour établir une violation de la clause50
. La difficulté tient
Préambule TBI Turquie-Pakistan signé 22/05/2012 pas encore entré en vigueur ; Préambule TBI TurquieCameroun
signé 24/04/2012 pas encore entré en vigueur enfin, s'agissant des dispositifs d'aide au
développement : Article 9 du Règlement de l'Union européenne n° 978/2012.
48. G. GRUNI, « Law or Aspiration ? The EU Proposal for a Labour Rights Clause in the
Transatlantic Trade and Investment Partnership » Legal Issues of Economic Integration, vol. 43 n°4,
2016, pp. 399-405.
49. Final Report of the Panel in the Matter of Guatemala - Issues Relating to the Obligations
Under Article 16.2.1(a) of the CAFTA-DR, 14/06/2017.
50. Sur cette analyse de l'affaire, voir B. MELO ARAUJO, « Labour Provisions in EU and
US Mega-regional Trade Agreements : Rhetoric and Reality » International and Comparative Law
Quarterly, vol. 67 n°1, 2018 pp. 233-253.

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