Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 14

XIV
Le droit internationaL privé de La famiLLe
À L'épreuve de L'impératif de reconnaissance des situations
proportionnalité, qui se résume en un affrontement de valeurs, arbitré par des
considérations d'opportunité. Par là se dessinent déjà les positions qui seront celles
de l'auteur dans la dernière partie de son travail. S'interrogeant sur l'influence du
nouvel impératif sur le discours du droit international privé, M. Samuel FulliLemaire,
après s'être demandé si la méthode de reconnaissance des situations peut
se comprendre comme une résurgence de méthodes plus anciennes - théorie des
droits acquis, unilatéralisme - et avoir constaté les limites d'une telle approche,
envisage les rapports de la politique juridique et de la technique et refuse le primat
de la première sur la deuxième. Pour lui, c'est dans « l'alliage que la politique
forme avec la technique, une technique façonnée au cours des siècles, que réside
la meilleure voie pour repenser le droit international privé et l'adapter aux réalités
contemporaines ». C'est dire que la dimension épistémologique, présente tout au
long de la thèse, s'accentue encore dans ses derniers développements.
Cette préface ne remplirait pas son office si, ayant retracé les grandes orientations
de l'ouvrage de M. Samuel Fulli-Lemaire, elle ne mettait en évidence les
traits qui expliquent la séduction que celui-ci est de nature à exercer sur son lecteur.
Assez curieusement, les qualificatifs qui viennent à l'esprit pour caractériser
ce travail sont de ceux qu'il n'est pas évident d'associer : savant et accessible,
profond et léger, ferme et nuancé... L'explication de ce subtil équilibre peut être
recherchée dans diverses directions. Bien qu'elles soient en principe secondes
parmi celles qui portent à apprécier un tel ouvrage, on citera d'abord les qualités
formelles tant celui-ci est soigné et servi par un grand bonheur de plume qui lui
confère, même dans les développements les plus arides, une accessibilité et une
élégance qu'il est rare de rencontrer dans ce type de travail. À quoi s'ajoute une
très vaste culture pleinement dominée, en sorte qu'elle est mise avec beaucoup de
naturel et d'efficacité au service de la démonstration ; les lectures qui nourrissent
la pensée de l'auteur sont d'autant plus impressionnantes par leur ampleur et leur
variété, que celui-ci maîtrise plusieurs des grandes langues européennes. À cet
égard, les développements relatifs au changement de contexte apparaissent comme
un modèle du genre. En elles-mêmes, la plus grande mobilité des individus comme
la montée de l'individualisme sont loin d'être des idées neuves. Mais l'auteur,
prenant appui sur les travaux de philosophes, d'historiens, de sociologues, de politistes,
d'économistes, de démographes, en brosse par touches légères, une impressionnante
fresque et montre, avec une grande force de conviction, comment elles
se conjuguent pour renouveler le donné à partir duquel le juriste se doit de
construire. Et, si la suite de l'ouvrage fait appel à une culture principalement
juridique, l'auteur qui maîtrise parfaitement la pensée de ceux qui l'ont précédé,
la restitue et l'exploite avec beaucoup d'habileté et un sens certain de la nuance.
Cela ne l'empêche pas, bien sûr, de tracer sa propre voie. À cet égard on relèvera
quelques points qui nous paraissent particulièrement bienvenus. Constatant
qu'aucune directive méthodologique claire ne se dégage des jurisprudences supranationales,
celles-ci se focalisant sur le résultat - la reconnaissance -, plutôt que
sur le processus qui y conduit, M. Samuel Fulli-Lemaire prend ses distances avec
une doctrine qui entend fonder la méthode de la reconnaissance des situations sur
les droits fondamentaux. Bien loin de considérer que ce nouvel impératif porterait
en lui l'éviction de la méthode conflictuelle, il s'attache à démontrer que « la
flexibilité de la mécanique conflictuelle est le gage de sa pérennité ». Accompagnée
des aménagements indispensables, celle-ci devrait être assurée de sa résilience. Tout
en œuvrant pour une meilleure ouverture, M. Samuel Fulli-Lemaire ne néglige pas

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