Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 222

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Le droit internationaL privé de La famiLLe
À L'épreuve de L'impératif de reconnaissance des situations
unions peut être la lex loci celebrationis ou la lex auctoris, alors qu'il n'y a pas
davantage eu de célébration dans le premier cas que d'enregistrement auprès d'une
autorité dans le second, mais le résultat substantiel qui était visé est atteint.
283. Le second exemple, qui cette fois illustre une prise en compte du résultat
matériel de la qualification au stade de la détermination de celle-ci, nous est
venu plus récemment d'outre-Rhin. En marge de l'ouverture du mariage aux
couples de même sexe, et alors même que la conclusion de nouveaux partenariats
enregistrés devenait impossible tandis que la conversion des anciens en mariages
était encouragée200
. Cette qualification paradoxale choisie par le
législateur lui-même, bien entendu, n'est rien d'autre qu'une solution originale
pour résoudre une difficulté qu'ont dû affronter tous les ordres juridiques soumettant
la validité au fond du mariage à la loi nationale : l'interférence des statuts
prohibitifs202
, le législateur allemand a décidé que les mariages entre couples
de même sexe célébrés à l'étranger demeureraient, comme ils l'étaient avant la
réforme, soumis à la règle de conflit qui avait été adoptée pour les partenariats et
désigne la loi de l'enregistrement201
. Grâce à ce qu'il faut bien qualifier de tour de passe-passe, les
conjoints de même sexe ayant obtenu d'un État étranger accommodant la célébration
de leur union, en dépit de l'opposition de la loi nationale d'au moins l'un
d'entre eux, en verront la validité au fond soumise en Allemagne à la loi de cet
État plutôt que distributivement à leurs lois nationales.
284. Mais aussi frappante que puisse paraître cette prise en compte du résultat
matériel de la qualification au stade de la détermination de celle-ci, et bien qu'elle
contredise frontalement la présentation dogmatique du jeu de la règle de conflit en
général et du déroulement de l'opération de qualification en particulier203
, il importe
d'avoir conscience de ce qu'est à l'œuvre un phénomène récurrent. Il y a là une autre
manifestation, plus discrète sans doute que d'autres mais non moins significative204
,
de la matérialisation du conflit de lois. En effet, de nombreuses configurations familiales
qui au premier abord peuvent sembler problématiques, trouveront facilement
voies d'accès, d'une part la formalisation et d'autre part l'écoulement du temps auquel sont assimilées
quelques autres manifestations de l'engagement du couple, comme la naissance d'un enfant commun
en Catalogne.
200. Une solution qui avait déjà été adoptée par Irlande en son temps et qui vise à supprimer la
concurrence que le partenariat enregistré, s'il était conservé et ouvert à tous les couples, pourrait faire au
mariage. Dans le cas de l'Irlande comme de l'Allemagne, la protection constitutionnelle dont bénéficie
le mariage a certainement pesé, v. nos observations dans « Legal Recognition... », préc., spéc. p. 23-25.
201. Art. 17b EGBGB, point (4). Sur cette disposition, v. not. P. Mankowski, « Das Gesetz über
die „Ehe für alle " , seine Folgen und sein europäisches Umfeld im Internationalen Privat- und
Prozessrecht », IPRax, 2017, p. 541-551, et C. Kohler, « La nouvelle législation allemande sur le
mariage et le droit international privé », RCDIP, 2018, p. 51-58, spéc. n° 1-4.
202. B. Ancel, H. Muir Watt, « Du statut prohibitif (Droit savant et tendances régressives) », in
Études à la mémoire du Professeur Bruno Oppetit, Paris, Litec, 2009, p. 7-31. Sur les autres solutions
retenues, en Belgique et en France notamment, v. supra n° 142-143.
203. A. Papaux, op. cit., p. 463 et ss., qui s'appuie not. sur H. Muir Watt, La fonction de la règle
de conflit..., préc., p. 219, pour relever que « si la doctrine ne s'accorde point sur la fréquence de cette
influence [du résultat matériel sur la qualification], aucun auteur toutefois ne la nie, pas plus qu'il ne
la réduit à une série de cas isolés ». Les Français y seraient sans doute encore moins portés que
d'autres, puisque l'arrêt Caraslanis lui-même illustre cette influence : comme le relèvent les auteurs des
Grands arrêts (n° 27, § 14), « c'est moins la nature de la question - comme le voudrait une pratique
rigoureuse de la méthode conflictuelle - que les conséquences redoutées de l'application de la loi
étrangère qui ont conduit à retrancher du domaine de la loi personnelle la question du caractère
séculier ou religieux du mariage. »
204. V. supra n° 210 et 274.

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