Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 229

L'IMPÉRATIF DE RECONNAISSANCE ET LES MÉTHODES TRADITIONNELLES
reconnaissance241
. Selon l'article 9 de ce texte242
207
, « lorsque des effets juridiques
sont attachés à un fait par un État étranger concerné en application de la loi
désignée par son droit international privé, ces mêmes effets peuvent être reconnus
à ce fait aux Pays-Bas, même par dérogation à la loi applicable en vertu du
droit international privé néerlandais, dans la mesure où le refus de reconnaître de
tels effets constituerait une violation inacceptable de la confiance justifiée des
parties ou de la sécurité juridique »243
. Bien que cette disposition soit rédigée
dans des termes qui ne font pas mystère de sa vocation à n'être que rarement
appliquée, et qu'il faille sans doute ajouter aux conditions énumérées par le texte
l'exigence implicite d'un lien entre « État étranger concerné » et la situation244
,
cette exception dite « de fait accompli » qui étend considérablement le champ
d'une jurisprudence plus ancienne en matière de régimes matrimoniaux, a suscité
des appréciations contrastées au sein de la doctrine néerlandaise245
semble qu'il convient de se rallier aux plus favorables246
. Il nous
, d'autant qu'une telle
solution peut se recommander, outre ses mérites propres auxquels chacun sera
plus ou moins sensible, d'ouvrir, au sein de la théorie générale du droit international
privé, un espace permettant d'accueillir les discussions relatives aux reconnaissances
commandées ou « suggérées »247
par les droits fondamentaux248
.
292. Ce mécanisme nous semble, de surcroît, correspondre aux attentes formulées
par une partie de la doctrine au cours des dernières années. Pour s'en tenir
au cahier des charges le plus détaillé, Pierre Mayer, qui conçoit la méthode de la
reconnaissance des situations de façon plus restrictive que d'autres249
, propose
241. Dont la distinction avec une clause d'exception est d'autant plus simple que celle-ci est
également consacrée par le texte, dans la disposition précédente (article 8). Sur ces art. 9, et très
brièvement 8, v. G. Goldstein, « L'exception de prévisibilité - Vers une localisation subjective dans la
résolution des conflits de lois ? », RCDIP, 2018, p. 3-29.
242. Selon la traduction française publiée à la RCDIP 2012. 674.
243. Dans le même ordre d'idées, mais avec des effets beaucoup plus réduits, la doctrine
allemande de l'Handeln unter falschem Recht permet une prise en considération de la loi sous l'empire
de laquelle se sont placées les parties mais qui n'est pas compétente aux yeux du for. Ainsi, la loi que
le de cujus pensait applicable à sa succession lorsqu'il a rédigé son testament pourra être utilisée pour
interpréter ce dernier, même si la règle de conflit du for désigne une autre loi. Sur cette doctrine,
v. G. Kegel, K. Schurig, Internationales Privatrecht, Munich, C. H. Beck, 9e
éd. refondue, 2004,
p. 65-66 ; C. Münzer, Handeln unter falschem Recht, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, 1992.
244. Sur ces deux éléments d'interprétation, qui sont corroborés par l'exposé des motifs,
v. M. H. ten Wolde, « Codification and Consolidation of Dutch Private International Law: The Book
10 Civil Code of the Netherlands », YPIL, 2011 (13), p. 389-411, spéc. p. 401-402. Contra P. Lagarde,
« Introduction au thème de la reconnaissance des situations : rappel des points les plus discutés », in
E. Tourme-Jouannet et al. (dir.), Droit international et reconnaissance, Paris, Pedone, 2016, p. 293-299,
p. 297.
245. Pour une réaction critique, v. M. H. ten Wolde, « Codification and Consolidation... »,
préc., et pour un regard plus favorable, K. Boele-Woelki, D. van Iterson, « The Dutch Private
International Law Codification: Principles, Objectives and Opportunities », Electronic Journal of
Comparative Law, 2010, vol. 14.3, p. 10-11, qui considèrent qu'il n'y a là qu'une application de la
doctrine des droits acquis.
246. L. d'Avout, « La reconnaissance dans le champ des conflits de lois », préc., n° 20, p. 232-233.
247. Ibid., n° 9, p. 222.
248. V. infra n° 387 et ss. V. aussi L. d'Avout, « Droits fondamentaux et coordination des ordres
juridiques en droit privé », préc., p. 197-198, qui reprend des certaines propositions antérieures, v. sa
note CEDH, 28 juin 2007, Wagner, préc. ; J. Sagot-Duvauroux, op. cit., qui propose la consécration
d'une « exception de reconnaissance » dictée par les droits fondamentaux et conçue comme un
correctif au bénéfice des « individus de bonne foi ».
249. V. infra, n° 308 et ss., les propositions doctrinales autour desquelles est structuré le chapitre
suivant.

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