Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations - 306

284
Le droit internationaL privé de La famiLLe
À L'épreuve de L'impératif de reconnaissance des situations
dité du premier mariage entraîne la nullité du second ; on peut penser qu'un
mariage célébré à l'étranger entre deux Français qui étaient auparavant liés par
un PACS dissout ce dernier en application de l'article 515-7 du Code civil -189
,
alors que dans celui du conflit de juridictions, des règles énergiques s'appliquent
aux procédures parallèles pour prévenir les risques que soient rendues des décisions
inconciliables190
.
. Lorsque la prévention a échoué, l'une des décisions est
sacrifiée, toujours la décision étrangère si l'autre émane du for, la décision postérieure
dans le cas contraire191
La logique de l'extension de la reconnaissance d'efficacité hors du domaine
des jugements voudrait que les situations familiales successivement créées par les
parties soient soumises aux règles brutales, mais qui ont le mérite de la simplicité,
régissant les conflits de décisions. Une telle solution peut sembler inopportune au
regard tant de la règle de priorité dont bénéficieraient les situations créées dans le
for que du critère chronologique qui serait utilisé pour départager deux situations
étrangères. Imagine-t-on deux conjoints mariés à l'étranger obtenir la dissolution
de leur mariage en concluant un PACS en France ? L'hypothèse d'un partenariat
étranger similaire au PACS tenant en échec un mariage postérieur, alors que l'un
des concubins pourrait mettre fin au partenariat par voie de signification, est-elle
plus satisfaisante ? Par là, on constate que l'assimilation des jugements à d'autres
actes qui n'en présentent pas les caractères aboutit à une impasse, et le bénéfice
qui pouvait être attendu de la soumission corrélative des seconds à la méthode
d'efficacité des jugements ne se concrétise pas192
.
407. Pour clore ces réflexions, il n'est pas inintéressant de confronter deux
visions de la reconnaissance des situations. La première est celle de Pierre Mayer,
que résume Paul Lagarde dans les termes suivants : « lorsque la situation résulte
d'un jugement, c'est le jugement qui est reconnu et la situation ne l'est
189. Le cas des partenariats différents conclus successivement est plus délicat, car rien ne
garantit que les deux lois adoptent les mêmes règles relativement aux empêchements et à la dissolution,
v. not. P. Lagarde, « La reconnaissance mode d'emploi », préc., n° 23, p. 497-499, qui, après avoir
évoqué l'article 17 b, § 3, EGBGB allemand selon lequel le second partenariat l'emporte et l'article 6
de la convention CIEC de 2007 qui prévoit au contraire un cumul des effets, recherche la solution la
plus conforme à la volonté des parties.
190. Sur le règlement des conflits de procédure, v. par ex. M.-L. Niboyet, G. de Geouffre de la
Pradelle, Droit international privé, préc., n° 580 et ss., p. 403 et ss.
191. V. supra n° 249.
192. Du reste, rien de tout ceci n'est vraiment nouveau, comme suffit à l'établir la lecture des
remarques de Batiffol en 1977 sur ce qui n'était encore que le projet de convention de La Haye sur la
célébration et la reconnaissance de la validité des mariages (« La treizième session de la Conférence de
La Haye... », préc.). Le doyen montre bien la tentation d'assimiler les mariages aux jugements, les
hésitations à aller jusqu'au bout de cette logique, le risque de fraude, les difficultés auxquelles cette
assimilation conduit sur le plan technique, notamment dans les hypothèses de célébration d'une pluralité
de mariages. Un passage paraît particulièrement actuel quant à l'ambiguïté de l'objectif de reconnaissance
des mariages : « la question la plus grave que soulève la validité d'un mariage est celle de la validité d'un
second mariage conclu postérieurement par l'un des époux. On peut avancer que dans les rapports
internationaux c'est probablement un des motifs les plus fréquents de la contestation d'une validité : si le
premier mariage est valide le second est nul. Or le réalisme et la constatation des faits sont le plus souvent
en faveur du second mariage, le premier n'ayant plus aucune existence actuelle. La faveur systématique à
la validité et à la reconnaissance conduit à affirmer que le premier mariage subsiste et que le second est
nul. Ce résultat montre bien l'équivoque du rapprochement entre reconnaissance des mariages et
reconnaissance des jugements. On peut être plus ou moins favorable au divorce, mais la faveur à la
reconnaissance du jugement de divorce est toujours présentée comme la reconnaissance des réalités de
fait. Il n'en va pas de même pour la reconnaissance d'un mariage [...] » (p. 480).

Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations

Table des matières de la publication Bibliothèque de droit privé - Tome 620 - Le droit international privé de la famille à l'épreuve de l'impératif de reconnaissance des situations