Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 258

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L'INTÉRÊT GÉNÉRAL EN ÉCONOMIE DE MARCHÉ
lorsqu'il tend à démontrer que la sauvegarde d'éléments économiques est une composante
nécessaire à la défense de considérations non-économiques »153.
471. Cette construction jurisprudentielle qui offre à la fois au juge et aux États
membres une marge de manœuvre considérable, s'appuie également sur la distinction
principal/accessoire qui permet de qualifier une mesure nationale conformément à la
distinction tripartite que nous venons de décrire. La Cour a déjà introduit cet argument
dans son arrêt Duphar154 portant notamment sur la question de la compatibilité avec le
droit de l'Union, et plus précisément avec la liberté de circulation des marchandises,
d'une législation néerlandaise limitant l'accès des patients à certains médicaments et
produits de soins dans le cadre du système national de sécurité sociale « en vue de
faire des économies dans le domaine de la fourniture des soins pharmaceutiques aux
assurés affiliés au régime des soins de santé »155. Selon cette approche, la disposition
de l'article 36 TFUE « ne peut [...] pas justifier une mesure qui vise avant tout un
objectif budgétaire »156. La référence à l'objectif que vise cette mesure « avant tout »
laisse comprendre que c'est l'objectif principal qui est pris en compte pour l'appréciation
de l'acceptabilité de la mesure en tant que nécessité impérative d'intérêt général
national. Cette approche est reprise et confirmée par l'autre arrêt de principe en la
matière, à savoir l'arrêt Campus Oil157. Selon les termes de ce dernier, « il y a lieu
d'ajouter qu'il importe, aux fins de l'article 36, que la réglementation en question
soit justifiée par des circonstances objectives répondant aux exigences de sécurité
publique. Une fois cette justification établie, le fait que la réglementation soit de
nature à permettre d'atteindre, à côté des objectifs relevant de la sécurité publique,
d'autres objectifs de nature économique éventuellement poursuivis par l'État membre,
n'exclut pas l'application de l'article 36 »158. Affirmer qu'il peut y avoir des objectifs
désignés sous le vocable d' « autres », qui sont de nature économique et qui viennent
accompagner les objectifs non-économiques principalement étudiés sans pourtant rendre
la mesure nationale non justifiable constitue une claire réaffirmation de son approche
dans l'arrêt Duphar.
472. Cette grille d'analyse complexe permettant la justification sous conditions
de mesures dérogatoires dont les objectifs comportent des dimensions économiques
est désormais reprise par la Cour assez fréquemment159, et toujours dans des affaires
« sensibles » dont les enjeux pour l'intérêt général national sont majeurs. À chaque
occasion de ce type, la Cour tâche d'apprécier si l'invocation de motifs comme les
« choix politiques et économiques »160 correspondant à des « particularités socioculturelles
nationales ou régionales dont l'appréciation appartient [...] aux États
membres »161
ou la sauvegarde de l'équilibre budgétaire de politiques publiques
comme notamment celles relatives à la sécurité sociale, la santé, l'enseignement ou
153. MICHEL V., op. cit, p. 73.
154. Arrêt précité.
155. Pt. 5 - I.
156. Pt. 23.
157. Arrêt précité.
158. Ibid.
159. V. à titre d'exemple CJCE, 6 octobre 1987, Openbaar Ministerie c. Nertsvoederfabriek Nederland
BV, aff. 118/86, Rec. 1987, p. 3883
160. Sur ce point et surtout quant à la nature et à la fonction de cet argument invoqué pour justifier
une entrave aux libertés de circulation v. notamment MICHEL V., op. cit., p. 91.
161. CJCE, 23 novembre 1989, Torfaen Borough Council, aff. C-145/88, Rec. 1989, p. 3853 et s., pt.
14.

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