Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 263

LA FONCTION « NÉGATIVE » DE L'INTÉRÊT GÉNÉRAL NATIONAL
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à une véritable hiérarchisation des valeurs. Comme nous l'avons démontré précédemment,
la libre circulation au sein du marché intérieur revêt également une dimension
objective et elle constitue une valeur de l'Union consacrée comme telle dans le
traité185. Les quatre libertés de circulation sont érigées par la Cour au rang de « libertés
fondamentales »186. Même si ces notions ne se distinguent pas par leur clarté sur le
plan des conséquences juridiques, il est évident qu'elles sont utilisées pour renforcer
autant que possible le statut des libertés de circulation à l'égard de tout éventuel principe
concurrent. L'outil de contrôle des dérogations aux libertés dont dispose la Cour
pourrait rapidement se transformer en un mécanisme « sacralisant » ces dernières, en
établissant une hiérarchie des valeurs au sommet de laquelle se trouverait le marché
intérieur et ses fondements. Est-ce vraiment le cas ? La question pourrait se poser avec
davantage d'acuité dans les cas de conflit entre une ou plusieurs libertés et les « principes
supérieurs ». Il nous semble pourtant que la réponse devrait être négative pour
plusieurs raisons. La sauvegarde de l'intérêt général de l'Union à travers l'interprétation
de son droit, mission première de la Cour, ne peut pas être assurée sans un
exercice constant de mise en balance des divers impératifs d'intérêt général qui
entrent en conflit, étant notamment donné les caractéristiques particulières de l'Union.
L'intérêt général de l'Union est fait de compromis qui ne sauraient exister dans un
contexte figé résultant d'une hiérarchisation.
485. Cette conditionnalité constitue un pivot offrant à la Cour un pouvoir de
contrôle des dérogations très étendu. Reposant sur la casuistique, cette conditionnalité
verse dans l'insécurité juridique pour les États mais permet à la Cour d'élaborer des
solutions adaptables aux circonstances de l'espèce et à la conjoncture politique afin de
garantir en toutes circonstances l'intérêt général de l'Union. Ce ne sont pas les opérateurs
agissant sur le marché intérieur qui imposent ou dirigent ce processus, mais la
cour de justice, une institution publique de l'Union qui veille à garantir non pas des
intérêts privés mais l'équilibre entre les exigences impératives de l'intérêt général
national et le bon fonctionnement du marché intérieur qui repose sur les libertés de
circulation. Le caractère plus ou moins vague des notions qui constituent les piliers de
cette grille d'analyse lui confère la souplesse et la malléabilité dont a besoin la Cour
pour établir un équilibre entre les intérêts publics en cause. Le danger d'arbitraire, qui
est toujours présent à chaque fois que la casuistique jurisprudentielle devient une
quasi-source de droit, semble être considéré comme un risque acceptable au sein du
système juridique de l'Union. Cela est dû à l'efficacité de ce mécanisme syllogistique
qui permet de « rationaliser » la fonction négative de l'intérêt général national sans
entraîner son abolition.
486. Si la fonction négative de l'intérêt général national au sein du système juridique
de l'Union constitue un véritable mécanismejuridique,iln'en va pas de même
pour ce qui est de la fonction positive de l'intérêt général national, qui bien qu'ayant
des fondements juridiques constitue davantage un phénomène qu'un mécanisme.
185. V. l'article 2 TUE en combinaison notamment avec les paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 3 TFUE.
186. CJCE, 20 février 1979, Cassis de Dijon, aff. C-120/78, Rec., p. 649, CJCE, 6 octobre 1981,
Broekmeulen, aff. C-246/80, Rec. 1981, p. 2311, CJCE, 14 mars 2000, Eglise de Scientologie, aff. C54/99,
Rec. 2000, p. I-1335.

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