Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 27

INTRODUCTION
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l'articulation entre les diverses catégories d'intérêts en son sein. Ces enjeux connaissent
nécessairement de très considérables déclinaisons juridiques.
20. Effectivement, dans les sociétés ayant adopté un « système ou [...] régime
économique dans lequel l'allocation des ressources est réalisée sur la base des prix
sur les marchés où se rencontrent librement et de manière décentralisée, les offreurs
et les demandeurs de biens et de services »50, les caractéristiques de la notion d'intérêt
général dans toutes ses dimensions, y compris celle juridique, sont en grande partie
déterminées par la nature desfonctions du marché au sein de la société ainsi que par
l'étendue du champ économique. On appréhende ainsi notamment les caractéristiques
du rapport entre l'intérêt général et les intérêts particuliers, et par conséquent le rôle
de l'État et plus généralement de la puissance publique au sein des sociétés concernées
et surtout dans l'économie.
21. L'émergence du marché en tant que dispositif contribuant à la définition et à
la mise en œuvre de l'intérêt général à travers la « rencontre » en son sein des intérêts
particuliers fait de lui un système de normativité et d'« exécution » de normes pouvant
concurrencer à certains égards les traditionnels dispositifs publics. La reconnaissance
progressive et conditionnelle de cette fonction par les pouvoirs publics érige le marché
à plusieurs égards au rang d'une quasi-institution publique, sans pourtant que,
bien que plus ou moins encadré, ce dernier soit soumis aux mêmes exigences, sujétions
et garanties de légitimité que les institutions publiques. Ayant bouleversé les
équilibres sociostructurels antérieurs au sein des sociétés concernées, la consécration
du marché en tant que dispositif contribuant à l'émergence de l'intérêt général a
contribué décisivement à l'avènement et contribue toujours à l'évolution d'un paradigme
d'intérêt général nouveau, moins transcendantal, notamment car défini et mis
en œuvre selon des procédés plus souples, et revêtant des fonctions redéfinies, s'inscrivant
davantage dans un registre d'harmonisation des intérêts, sans s'écarter des
traditionnelles fonctions négatives et positives de l'intérêt général qui néanmoins
subissent également des transformations. Toutefois, certains de ces nouveaux procédés
semblent bénéficier de garanties de légitimité démocratique réduites ou au moins
perfectibles.
économique, au contraire, se présentait d'abord comme un moyen de développement et d'enrichissement
et, pour cette raison, n'était pas forcément mal vu par les régimes monarchiques en quête de modernisation.
S'opposant et se substituant au mercantilisme (contrôle de l'économie et du commerce par l'État), le libéralisme
pouvait viser le même objectif: servir la puissance de l'État, renforcer le prestige des monarchies.
Les idées libérales en matière économique ne furent donc pas perçues comme subversives à court terme.
Elles pouvaient même inspirer les expériences de despotisme éclairé et s'opposer par là au développement
du libéralisme politique. À la différence de ce dernier, le libéralisme économique ne remettait pas en cause
directement le cœur des systèmes monarchiques. Sa diffusion n'impliquait pas à elle seule une nouvelle
conception de la souveraineté politique »), alors que d'autres considèrent cette distinction comme artificielle
(cf. à titre d'exemple LAURENT A. et VALENTIN V., Les penseurs libéraux, Paris, Les Belles Lettres,
2012. Les auteurs récusent clairement la trop convenue et passablement peu pertinente dichotomie
entre « libéralisme politique » et « libéralisme économique » et soulignent l' « unité de la pensée libérale »).
Pour les besoins de la présente thèse, nous entendons par « libéralisme économique » les idées libérales
telles qu'elles s'appliquent en matière économique, étant donné l'indéniable spécificité de cette configuration
du libéralisme, et ce notamment pour ce qui est de l'appréhension de l'intérêt général. Les développements
qui suivent nous permettront de démontrer cette spécificité.
50. Nous proposons la définition de ALBERTINI J.-M. et SILEM A., (dir.), Lexique d'économie,
Paris, Dalloz, 8e édition, 2004, citée par G. Clamour (op. cit., p. 24, note 178). Sur le concept de marché,
vu notamment à travers le prisme du système juridique de l'Union cf. encore MADDALON P., op. cit., not.
p. 1-13.

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