Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 284

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L'INTÉRÊT GÉNÉRAL EN ÉCONOMIE DE MARCHÉ
de cette fonction suppose la réunion de plusieurs conditions : une position d'extériorité
par rapport au jeu économique ; une capacité d'arbitrage entre les intérêts en présence
; une action continue afin de procéder aux ajustements nécessaires »90. Dans ce
contexte, l'État ne participe donc pas au marché comme entrepreneur, ce qui laisse
aux opérateurs privés ou agissant comme tels le champ libre afin de poursuivre leurs
objectifs intéressés. Le marché n'est pourtant pas laissé libre à s'autoréguler comme le
prévoit l'approche hayekienne reposant sur la « catallaxie », l'ordre marchand spontané.
C'est précisément l'État qui vient garantir l'existence même du marché concurrentiel
qui, sans son intervention se verrait menacée par les forces par nature autodestructrices
de la concurrence. La participation des opérateurs privés aux processus de
prise de décision dans le cadre de la régulation constitue un contrepoids libéral à l'attribution
à l'État de ce type de fonction d'intervention.
534. Cette approche correspond a fortiori aux exigences et à la téléologie du
droit de l'Union, précisément parce que dans le cadre de la construction européenne,
ce sont les autorités publiques, européennes et internes, en étroite collaboration, qui
ont créé et continuent de créer des marchés sectoriels et un grand marché unique dont
ces marchés sectoriels font partie. C'est encore parce que le maintien de ces marchés
« artificiels » par rapport à la conception hayekienne repose toujours sur l'action
publique de régulation à deux niveaux. C'est la régulation sectorielle nationale et la
coordination de l'activité des autorités nationales au niveau européen qui garantit
l'existence de ces marchés qui ne peuvent survivre à elles-mêmes. Dans ce contexte,
c'est l'activité publique de régulation qui soutient l'existence et le caractère concurrentiel
du marché qui est pourtant considéré comme une quasi-institution91 de « production
» d'intérêt général, bien que sous « surveillance publique ». Le marché n'est
donc plus considéré uniquement comme un lieu de développement d'intérêts particuliers,
mais également comme un mécanisme qui permet l'émergence de l'intérêt général.
La régulation témoigne précisément de cette quasi-institutionnalisation du marché
dont l'existence est capitale pour la construction européenne étant donné la méthode
communautaire d'intégration progressive et appuyée sur le partage, avant tout, des
richesses entre États membres selon le modèle libéral. Dans son cadre, l'objectif premier
est celui d'harmonisation des intérêts publics et privés au sein du marché afin
que soit garantie la pérennité de ce dernier, et étant donné son caractère régalien, cette
activité purement publique, malgré la participation à des degrés divers des opérateurs
privés, est régie par le droit public, interne et européen, dont elle constitue un facteur
de renouvellement ainsi que d'adaptation aux impératifs de la mondialisation.
535. Cette conception hybride de l'élaboration de l'intérêt général qui émerge
dans le contexte de la régulation reste volontariste, étant donné la nature des pouvoirs
des pouvoirs publics, mais subit des influences de nature utilitariste pour ce qui est du
fonctionnement du marché. Néanmoins, l'objectivation de ce dernier, le fait de s'intéresser
à son bon fonctionnement et non pas, dans le contexte de la régulation, aux
droits et intérêts subjectifs des particuliers, ne permet pas de considérer cette approche
comme utilitariste. Néanmoins, la caractéristique principale de la régulation consistant
en l'éloignement des autorités de régulation à l'égard du pouvoir politique ainsi qu'en
la facilitation de la participation des opérateurs aux procédures de prise de décision,
90. Ibid.
91. Pour la définition de la notion d'institution, v. notamment CHEVALLIER J. (dir.), Variations
autour de l'idéologie de l'intérêt général, Presses Universitaires de France, 1979, p.

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