Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 56

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L'INTÉRÊT GÉNÉRAL EN ÉCONOMIE DE MARCHÉ
droit économique de l'Union. Étant donné sa nature « égalisatrice »5 et son caractère
de droit « conçu pour régir la compétition entre entreprises privées »6 le droit de la
concurrence constitue de notre point de vue le principal7 fer de lance de ce processus.
82. L'applicabilité du droit européen de la concurrence dépend en grande partie
de l'existence d'entreprises8. La définition de ce concept essentiel pour la délimitation
du champ concurrentiel est surtout l'œuvre de la cour de justice. À travers cette construction
prétorienne complexe, lui permettant d'assumer en la matière une fonction
normative9 oscillant entre la « prolongation du droit » et sa véritable « création »10,
et témoignant de l'importance de son rôle dans le processus d'inflexion de la
tes.
5. Et non pas nécessairement égalitaire, car il impose parfois le traitement égal de situations différen6.
SALAH M.-M.-M., Les transformations de l'ordre public économique vers un ordre public régulatoire
? in Philosophie du droit et droit économique. Quel dialogue ? Mélanges en l'honneur de Gérard
FARJAT, Éditions Frison-Roche, 1999, p. 273.
7. Cf. par exemple l'analyse de Berend Jan DRIJBER (Les services d'intérêt économique général et
la libre prestation des services, in LOUIS J.-V. et RODRIGUES S., Les services d'intérêt général et
l'Union européenne, Bruylant, 2006, p. 78-79) portant sur la question particulière des monopoles de services
en tant qu'entraves. Ayant observé que « les litiges ayant trait aux droits exclusifs s'articulent principalement
autour des règles de la concurrence [...]. [...] la Cour ne se prononce pas non plus sur l'éventuelle
violation de l'article 49 si la mesure en cause est déjà prohibée par les articles 86 paragraphe 1 et 82. C'est
l'économie de procédure qui justifie que la Cour s'abstienne de condamner une même mesure nationale
pour un second motif. [...] ce parallélisme va également en sens inverse : une fois qu'une restriction de la
concurrence apparaît justifiée, l'éventuelle entrave à la libre prestation des services l'est pour les mêmes
motifs », l'auteur affirme que « le centre de gravité se trouve clairement du côté des règles de concurrence
».
8. Dans le chapitre premier de son titre VII, consacré aux règles de concurrence, le traité sur le fonctionnement
de l'Union européenne (TFUE) distingue entre les « règles applicables aux entreprises » et « les
aides accordées par les États ». La réalité concrète est plus complexe, sachant déjà que la disposition de
l'article 106 § 1 TFUE, bien que faisant partie du chapitre consacré aux « règles applicables aux entreprises
» vise les mesures étatiques et « ne s'applique donc pas aux comportements des entreprises ellesmêmes
» (CHEROT Y., Droit public économique, Paris, Economica, 2007, p. 147. Cette complexité se
reflète aussi, et notamment, dans l'application « indirecte » du droit de la concurrence aux autorités publiques.
Sur cette question v. entre autres notamment les arrêts de principe en la matière (not. CJCE,
16 novembre 1977, Inno c. Atab, aff. 13/77, Recueil de jurisprudence 1977, p. 2115, CJCE, 10janvier
1985, Au blé vert, aff. C-229/85, Rec. 1983, p. I-0001, CJCE, 21 septembre 1988, Van Eycke, aff.
267/86, Rec. 1988, p. 4769, CJCE, 10janvier 1985, Au blé vert, aff. C-229/85, Rec. 1983, p. I-0001,
CJCE, 17 novembre 1993, Meng, aff. C-2/91, Rec. 1993, p. I-5751, CJCE, 17 novembre 1993, aff. C245/91,
Rec. 1993, p. I-5851). Pour des approches doctrinales v. notamment BAZEX M., Règles de concurrence
opposables aux autorités publiques, JCL Europe, fasc. 1500, 1992, spéc. no
7 et s., CHEROT J.-Y.,
L'article 90 § 1 du traité CEE lu en combinaison avec l'article 86 in L'entreprise dans le marché unique
européen, La documentation française, travaux de la CEDECE, 1995, DENIZEAU C., L'idée de puissance
publique à l'épreuve de l'Union européenne, Paris, LGDJ, 2004, pp. 120-123, SAUTER W. et SCHEPEL
H., State and Market in European Union Law. The Public and Private Spheres of the Internal Market
before the EU Courts, Cambridge University Press, 2009, not. p. 107 et s., TRIANTAFYLLOU D., Les
règles de la concurrence et l'activité étatique, RTD eur. 32 (1), janv.-mars 1996, pp. 57-76.
(8) L'existence d'entreprises conditionne l'applicabilité du droit antitrust de l'Union (régissant les ententes,
les abus de position dominante, ainsi que les concentrations). Elle est en outre importante dans le cadre du
droit des aides d'État (cf. art. 107 § 1 TFUE : « Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles
avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides
accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sou quelque forme que ce soit, qui faussent ou
qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions »).
9. Cf. MADDALON P., La notion de marché dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes, Paris, LGDJ, 2007, not. p. 10.
10. Sur ce point cf. not. VALENTIN V., op. cit., p. 87 et COULANGES P., L'analyse économique de
la production de droit, Thèse pour le doctorat ès sciences économiques, Aix-en-Provence, 1991, p. 150 et s.
(cité par Vincent Valentin).
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