Bibliothèque de droit public - Tome 328 - L'intérêt général en économie de marché - 92

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L'INTÉRÊT GÉNÉRAL EN ÉCONOMIE DE MARCHÉ
cadres et de dirigeants par des sociétés privées »257, la Cour a estimé que « la circonstance
que les activités de placement sont normalement confiées à des offices publics
ne saurait affecter la nature économique de ces activités. Les activités de placement
n'ont pas toujours été et ne sont pas nécessairement exercées par des entités
publiques »258. Suivant une approche « socio-comparatiste »259, la Cour établissait
ainsi un critère d'identification des entreprises reposant sur une comparaison avec
les pratiques historiques et/ou celles d'autres pays. La référence à des activités qui
«n'ont pas toujours été et ne sont pas nécessairement exercées par des entités publiques
» implique qu'elles l'ont été ou pourraient l'être par des entités privées. Par
conséquent, toute activité susceptible d'être exercée par une entreprise privée est
considérée comme économique, ce qui entraîne la qualification de l'entité l'exerçant
d'entreprise au sens du droit de la concurrence. Il s'en ensuit logiquement que, a fortiori,
l'existence d'une concurrence privée effective, et non pas simplement passée ou
potentielle, rend la qualification évidente et irréfragable selon cette approche.
139. Il importe encore ici de noter qu'aucune précision n'est donnée par la Cour
quant au contenu exact du terme « entités publiques » et, en conséquence, quant à ce
qu'il faut entendre par « entités privées ». Opte-t-elle pour une approche formelle ou,
àl'inverse, pour une approche fonctionnelle des deux notions ? Le fait qu'en général,
le droit de l'Union « privilégie une démarche fonctionnelle, téléologique »260 et que
son approche est en général « indifférente aux structures » nous permet de supposer
que la Cour adopte dans ce cas également, comme à son habitude, une perspective
fonctionnelle261 qui souffre pourtant d'une imprévisibilité nuisible à la sécurité juridique
et bien instrumentalisable dans le cadre d'une « idéologie jurisprudentielle »262
visant la préservation de la constitution économique de l'Union.
140. Au niveau méthodologique, l'on remarquera encore le fait que le juge
considère le statut juridique de l'entité comme indifférent263. Ce choix reflète la
conception de l'activité économique comme activité exercée du moins en principe
par une entreprise privée dans un contexte de marché264. Cette affirmation du lien
étroit entre la possibilité qu'une activité soit exercée par une entité privée et le caractère
économique de cette dernière ne conduit pas à exclure la possibilité qu'une entité
publique, au sens formel ou fonctionnel du terme, l'exerce également, mais il s'en
ensuit qu'elle devra également se conformer aux exigences d'un cadre juridique propre
à ce type d'activités, à savoir conçu pour régir des activités en principe privées,
poursuivies dans un contexte de marché, et adapté à leurs particularités, accueillant
257. Pt. 15.
258. Pt. 22.
259. BOLZE C., Entreprise. Définition et éléments, Service public de l'emploi (commentaire sur
l'arrêt Höffner) in Chronique de droit communautaire de l'entreprise, RTD com., Nº 2, 16 septembre 1991,
p. 512.
260. RITLENG D., L'influence du droit communautaire sur les catégories organiques du droit administratif,
in AUBY J.-B. et DUTHEIL DELA ROCHERE J. (dir.), Droit administratif européen, Bruylant,
2007, p. 847.
261. La distinction faite par la Cour dans l'arrêt Ambulanz Glöckner (précité) entre les organisations
sanitaires et les autorités publiques n'infirme pas cette hypothèse.
262. Sur ce point cf. entre autres MADDALON P., La notion de marché dans lajurisprudence de la
Cour de justice des Communautés européennes, précité, p. 13.
263. Comme en droit interne. (V. art. L-410-1 du Code du commerce).
264. V. également, parmi d'autres, DRIGUEZ L., op. cit., p. 294-295.

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