Bibliothèque de droit privé - Tome 621 - La théorie générale des conflits de lois à l'épreuve de l'individualisme - 22

INTRODUCTION
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la philosophie13, la psychologie14, mais également la linguistique15, la littérature16 ou
même l'histoire de l'art17. En comparaison de la prolixité des autres sciences humaines,
le laconisme de la science juridique offre donc un contraste saisissant. En effet,
exception faite du cours professé par Waline il y a plus d'un demi-siècle, aucune autre
étude d'envergure n'a depuis lors été spécifiquement consacrée à la notion18. Non pas
que le juriste l'ait dédaignée. Bien au contraire, c'est même tout l'inverse, car beaucoup
d'auteurs observent justement que l'individualisme constitue l'un des traits
essentiels du droit moderne. Son impact est ainsi presque systématiquement mentionné
de façon très explicite dans la plupart des ouvrages de théorie générale ou de
philosophie juridique19 ; et son influence est également soulignée dans certains
donc résolument à celle qu'avait proposée : L. DUMONT, Essais sur l'individualisme. Une perspective
anthropologique sur l'idéologie moderne, préc., comparant le système individualiste des sociétés modernes
occidentales au système holiste traditionnel à travers l'analyse de la société indienne.
13. V. not. : G. LIPOVETSKY, L'ère du vide. Essai sur l'individualisme contemporain, préc., analysant
le développement d'un individualisme narcissique et hédoniste à l'époque moderne ; R. SENNET, Les
tyrannies de l'intimité, éd. du Seuil, Paris, 1979, critiquant le mouvement de l'individualisme philosophique
et étudiant son origine dans la pensée philosophique de l'époque moderne en soulignant l'inversion
des rapports entre l'individu et la collectivité à partir du XVIII
e siècle contribuant à l'émergence d'un individu-roi
dont la domination aurait tous les atours d'une tyrannie ; C. TAYLOR, Les sources du moi. La
formation de l'identité moderne, éd. Points, Paris, 2018, recherchant l'origine de la formation de l'identité
individualiste moderne à travers la pensée des philosophes qui ont contribué à façonner la subjectivité de
l'individu pour en faire le cœur du système qui structure notre temps au point de négliger les besoins de la
cohésion sociale ; L. FERRY et A. RENAUT, 68-86. Itinéraires de l'individu, éd. Gallimard, Paris, 1987,
analysant les implications politiques et philosophiques du passage d'un individualisme militant à un individualisme
hédoniste et narcissique.
14. V. not. : A. EHRENBERG, L'individu incertain, éd. Hachette, Paris, 1999, soulignant l'ambiguïté
psychologique de l'individualisme moderne dont les injonctions à la performance et au dépassement de soi
produisent également des conséquences néfastes sur le psychisme des individus fragilisés par une certaine
forme d'isolement et de perte des repères traditionnels et collectifs.
15. V. not. : M-F. PIGUET, Individualisme. Une enquête sur les sources du mot, éd. CNRS, Paris,
2018, pour une étude linguistique et sémantique de l'apparition de la notion d'individualisme et de la signification
originelle du mot.
16. V. not. : P. PACHET, Un à un. De l'individualisme en littérature (Michaux, Naipaul, Rushdie),
éd. Seuil, Paris, 1993, analysant les formes de l'individualisme littéraire qui s'expriment chez certains
auteurs.
17. V. not. : A. JOUFFROY, De l'individualisme révolutionnaire, éd. Gallimard, Paris, 1997, à travers
cette notion d' « individualisme révolutionnaire », l'auteur analyse l'importance des individus dans le
processus de création artistique.
18. V. ainsi : M. WALINE, L'individualisme et le droit, réimpr. Dalloz, Paris, 2007. Ce cours portant
sur l'individualisme en tant que tel et sur ses conséquences dans la pensée et le système juridiques modernes
fut professé par l'auteur durant la Seconde Guerre Mondiale. Quelques études ont également été ponctuellement
consacrées à l'individualisme dans divers articles, voir par exemple : X. MARTIN, « L'individualisme
libéral en France autour de 1800, essai de spectroscopie », Revue d'histoire desfacultés de droit et
de la sciencejuridique, 1984, nº 4, pp. 87 et s., pour une étude historique sur l'influence de l'individualisme
libéral dans l'histoire politique française à l'aube de la promulgation du Code civil ; A. BURGE, « Le Code
civil et son évolution vers un droit imprégné d'individualisme libéral », RTD. civ., 2000.1, analysant également
l'influence de l'individualisme libéral lors de l'adoption du Code civil et dans les évolutions subies
par notre droit civil notamment à travers la progression de l'autonomie de la volonté.
19. V. not. : M. VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne, PUF, Paris, 2004, p. 185,
soulignant que l'individualisme structure la pensée juridique moderne de façon essentielle et déterminante,
et pp. 261 et s., pour une analyse de son influence sur le droit moderne ; du même auteur, Philosophie du
droit, Dalloz, Paris, 1999, pp. 95 et s., pour une analyse identique ; B. OPPETIT, Philosophie du droit,
réimpr. Dalloz, Paris, 1999, p. 30, soulignant également l'importance de l'individualisme au sein du droit
moderne ; H. BATIFFOL, Problèmes de base de la philosophie du droit, LGDJ, Paris, 1979, pp. 352, insistant
sur l'importance d'étudier la tendance individualiste en premier du fait « de sa force apparente » et « du
rôle qu'elle a joué » dans la construction du droit moderne ; P. ROUBIER, Théorie générale du droit,
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